vendredi 1 juin 2018

« Radicalisation de l’islam et islamisation de la radicalité sont des phénomènes complémentaires »

Dans une tribune au « Monde », l’économiste Marie-Anne Valfort estime que l’on ne peut pas opposer ces deux tendances. Il faut les prendre en compte dans leur complémentarité afin de lutter contre la violence terroriste et l’exclusion sociale.
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« L’islamisation de la radicalité aboutit au développement d’une frange radicale au sein de la population musulmane, donc à une radicalisation de l’islam, ces deux phénomènes finissant par se nourrir l’un l’autre » (Photo: la police à Liège, le 30 mai).

Tribune. Toutes les grandes religions sont traversées par des courants sectaires prônant une lecture littérale et absolutiste des textes sacrés. Dans l’histoire récente de notre pays cependant, comme dans celle de nombreux autres, c’est au sein de l’islam que ces tendances radicales ont pris le plus d’ampleur.
Depuis le 11 septembre 2001, les travaux de recherche se sont multipliés pour identifier les facteurs pouvant amener des individus à perpétrer au nom de l’islam des actes terroristes contre les pays mêmes qui les ont vu grandir.
En France, deux thèses s’affrontent : celle de Gilles Kepel, qui impute les attentats de 2015 et ceux qui ont suivi à la diffusion du salafisme djihadiste, et celle d’Olivier Roy, qui avance au contraire une explication extrareligieuse, le malaise d’une génération qui utilise le djihadisme comme vecteur de sa révolte.

En réalité, radicalisation de l’islam et islamisation de la radicalité décrivent deux phénomènes qui, loin d’être antagoniques, sont au contraire complémentaires. Quel que soit le phénomène qui préexiste, il finit en effet par entraîner le second, générant une dynamique délétère, où radicalisation de l’islam et islamisation de la radicalité se renforcent mutuellement.
Cercle vicieux Supposons que la radicalisation de l’islam précède l’islamisation de la radicalité. Elle fera de tout musulman pratiquant, y compris du non-radicalisé, un suspect. Ce rejet engendrera à son tour un sentiment d’injustice et, chez certains, une volonté de rupture qui les amènera à amplifier les différences, en particulier religieuses, les séparant de ceux qui les rejettent.
Ce mécanisme a été bien identifié dans le contexte américain par les économistes Eric Gould et Esteban Klor. Les musulmans vivant dans les Etats où les actes islamophobes ont le plus augmenté à la suite des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone ont adopté, dix ans plus tard, une pratique plus...

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