mardi 5 juin 2018

La violente poésie d’Adel Abdessemed à Lyon et à Hornu Dans les musées d’art contemporain des deux villes, l’artiste expose des œuvres coups de poing qui donnent à réfléchir. LE MONDE | 30.05.2018 à 06h34 • Mis à jour le 30.05.2018 à 09h16 | Par Harry Bellet (Lyon (Rhône) et Hornu (Belgique), envoyé spécial) Abonnez vous à partir de 1 € Réagir Ajouter Partager Tweeter « Otchi Tchiornie », sculpture monumentale en bois brûlé représentant des soldats russes. L’exposition « L’Antidote », d’Adel Abdessemed, au Musée d’art contemporain de Lyon, a beaucoup fait parler d’elle, à cause d’une vidéo – Printemps – montrant des poulets en feu (un trucage de cinéma). Elle a été retirée sur décision de l’artiste après des protestations de défenseurs des animaux et une campagne sur Internet qui, d’après le directeur du MAC, Thierry Raspail, commençait à prendre des ­relents racistes (Abdessemed est né en 1971 à Constantine, en ­Algérie). Mais on a moins ­commenté l’autre exposition du même, au Musée des arts ­contemporains du Grand-Hornu, près de Mons, en Belgique, qui s’achève le 3 juin. On y voit notamment une autre vidéo, celle d’un chat qui descend prudemment un escalier à vis. Connaissant l’animal (Abdessemed, pas le chat), on s’attend au pire pour le pauvre matou. On ­retient son souffle, on sent pointer l’indignation. Et que lui arrive-t-il, à cette pauvre bête ? Rien. Rien du tout. La vidéo tournant en boucle, il se contente de descendre l’escalier à perpétuité. On se surprend à en éprouver une vague frustration. C’est alors, grâce à ce sentiment atroce, qu’on prend conscience de ce que cherche Abdessemed : nous montrer que le mal est partout, y compris dans nos têtes. On prend conscience de ce que cherche Abdessemed : nous montrer que le mal est partout, y compris dans nos têtes L’exposition du Grand-Hornu est intitulée « Otchi Tchiornie » (« les yeux noirs »), titre d’une chanson traditionnelle russe – en fait, l’œuvre d’un poète ukrainien, Yevhen Hrebinka –, un des succès du répertoire des chœurs de l’ex-Armée rouge. C’est aussi ainsi qu’il a nommé une sculpture monumentale, représentant des soldats russes en rang, en train de chanter. Ils ont été réalisés dans du bois brûlé, et font ­référence tant au charbon qu’on extrayait jadis du Grand-Hornu qu’à cet accident qui a affecté, le 25 décembre 2016, un avion de transport de troupes, emmenant une chorale militaire se produire,...

La violente poésie d’Adel Abdessemed à Lyon et à Hornu

Dans les musées d’art contemporain des deux villes, l’artiste expose des œuvres coups de poing qui donnent à réfléchir.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par
Abonnez vous à partir de 1 € Réagir Ajouter

« Otchi Tchiornie », sculpture monumentale en bois brûlé représentant des soldats russes.

L’exposition « L’Antidote », d’Adel Abdessemed, au Musée d’art contemporain de Lyon, a beaucoup fait parler d’elle, à cause d’une vidéo – Printemps – montrant des poulets en feu (un trucage de cinéma). Elle a été retirée sur décision de l’artiste après des protestations de défenseurs des animaux et une campagne sur Internet qui, d’après le directeur du MAC, Thierry Raspail, commençait à prendre des ­relents racistes (Abdessemed est né en 1971 à Constantine, en ­Algérie). Mais on a moins ­commenté l’autre exposition du même, au Musée des arts ­contemporains du Grand-Hornu, près de Mons, en Belgique, qui s’achève le 3 juin.

On y voit notamment une autre vidéo, celle d’un chat qui descend prudemment un escalier à vis. Connaissant l’animal (Abdessemed, pas le chat), on s’attend au pire pour le pauvre matou. On ­retient son souffle, on sent pointer l’indignation. Et que lui arrive-t-il, à cette pauvre bête ? Rien. Rien du tout. La vidéo tournant en boucle, il se contente de descendre l’escalier à perpétuité. On se surprend à en éprouver une vague frustration. C’est alors, grâce à ce sentiment atroce, qu’on prend conscience de ce que cherche Abdessemed : nous montrer que le mal est partout, y compris dans nos têtes.

On prend conscience de ce que cherche Abdessemed : nous montrer que le mal est partout, y compris dans nos têtes L’exposition du Grand-Hornu est intitulée « Otchi Tchiornie » (« les yeux noirs »), titre d’une chanson traditionnelle russe – en fait, l’œuvre d’un poète ukrainien, Yevhen Hrebinka –, un des succès du répertoire des chœurs de l’ex-Armée rouge. C’est aussi ainsi qu’il a nommé une sculpture monumentale, représentant des soldats russes en rang, en train de chanter. Ils ont été réalisés dans du bois brûlé, et font ­référence tant au charbon qu’on extrayait jadis du Grand-Hornu qu’à cet accident qui a affecté, le 25 décembre 2016, un avion de transport de troupes, emmenant une chorale militaire se produire,...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire