mardi 11 juillet 2017

Élisée Reclus

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Élisée Reclus
Portrait de Élisée Reclus
Biographie
Naissance
à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde)
Décès (à 75 ans)
à Torhout, Belgique
EnterrementCimetière d'IxellesVoir et modifier les données sur Wikidata
Pays de nationalitéFranceVoir et modifier les données sur Wikidata
PèreJacques ReclusVoir et modifier les données sur Wikidata
Thématique
FormationUniversité de Berlin, autodidacte
TitresProfesseur agrégé de l'Université libre de Bruxelles (1892-1893)
Professeur à la Nouvelle Université libre de Bruxelles (Université nouvelle de Bruxelles, 1894-1905)
Grande médaille d’honneur annuelle de la Société de topographie de France (1891)
Grande médaille d’or de la Société de géographie de Paris (1892)
Médaille d’or de la Royal Geographical Society de Londres (1894)
ProfessionGéographe, professeur d'université (d), communard et anarchiste (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
EmployeurUniversité nouvelle de BruxellesVoir et modifier les données sur Wikidata
TravauxLa Terre, description des phénomènes de la vie du globe en 2 volumes (1867-1868)
Nouvelle Géographie universelle, la terre et les hommes en 19 volumes (1875-1893)
L’Homme et la Terre en 6 volumes (1905-1908)
ApprocheGéographie sociale
DistinctionsListe des récipiendaires de la médaille d'or de la Royal Geographic Society ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Membre deSociété Ramond, Académie hongroise des sciences, Association internationale des travailleurs (à partir de ), Fédération jurassienne, Société de géographie (à partir du ) et Grand Orient de France (à partir du )Voir et modifier les données sur Wikidata
Élisée Reclus, de son nom complet Jacques Élisée Reclus, né à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde) le  et mort à Torhout en Belgique le , est un géographe libertaire français1,2,3,4,5.
Communard, militant et théoricien anarchiste, il fut un pédagogue6 et un écrivain prolifique. Membre de la Première Internationale, il rejoint la Fédération jurassienne après l'exclusion de Michel Bakounine. Avec Pierre Kropotkine et Jean Grave, il participe au journal Le Révolté7.
En 1892, il est invité par l’Université libre de Bruxelles qui lui offre une chaire de géographie comparée à la Faculté des sciences. Mais avant même d'avoir commencé, le cours est suspendu fin 1893 à la suite de l'attentat d'Auguste Vaillant à Paris. Il donne alors ses premiers cours dans les locaux de la loge maçonnique Les Amis philanthropes. En , avec d'autres professeurs démissionnaires, il crée à Bruxelles l'Université Nouvelle.
Citoyen du monde avant l’heure8, précurseur de la géographie sociale, de la géopolitique, de la géohistoire et de l'écologie, ses ouvrages majeurs sont La Terre en 2 volumes, sa Géographie universelle en 19 volumes, L'Homme et la Terre en 6 volumes, ainsi que Histoire d’un ruisseau et Histoire d'une montagne. Mais ce penseur qui vit de sa plume aura également publié environ 200 articles géographiques, 40 articles sur des thèmes divers, et 80 articles politiques dans des périodiques anarchistes9.
La revue Hérodote le considère comme l'un des géographes les plus importants de son temps, au point d'avoir consacré deux numéros entiers à son œuvre en 1981 et 2005.

Biographie[modifier | modifier le code]

Une famille protestante[modifier | modifier le code]

Élisée Reclus par Nadar(sans date)
Son père Jacques Reclus, né en 1796, était pasteur calviniste français (tout d’abord rémunéré par l’État, puis indépendant) et a aussi été quelques années professeur au collège protestant de Sainte-Foy-la-Grande. Le pasteur eut, avec son épouse Zéline Trigant-Marquey (1805-1887), quatorze enfants (il y eut peut-être encore trois fausses couches), dont trois filles qui moururent jeunes.
Élisée Reclus est le frère de l'ethnographe et militant anarchiste Élie Reclus, du géographe Onésime Reclus, de l'officier de marine et explorateur Armand Reclus, du chirurgien Paul Reclus ; le cousin germain de Pauline Kergomard née Reclus, fondatrice des écoles publiques maternelles françaises ; l'oncle de Paul Reclus qui le seconde dans ses travaux à la fin de sa vie, l'oncle de l'historien d'art Élie Faure fils de sa sœur Zéline Reclus épouse Faure (1836-1911), l'oncle du haut fonctionnaire Maurice Reclus dernier fils d'Onésime Reclus ; le cousin de Franz Schrader (1844-1924), géographe, alpiniste, cartographe et peintre paysager, fils de sa cousine germaine Marie-Louise Ducos ; le grand-oncle du militant anarchiste et sinologue Jacques Reclus (1894-1984), fils de Paul Reclus et petit-fils d'Élie Reclus.

Les années de formation[modifier | modifier le code]

Quatrième enfant du pasteur Jacques Reclus, Élisée est élevé jusqu'à l’âge de 8 ans par ses grands-parents maternels, à La Roche-Chalais en Dordogne, à la suite de la décision prise par son père de ne plus être pasteur rétribué. En 1838, il regagne le foyer parental, à Orthez.
En 1842, il a douze ans, son père, qui souhaite le destiner à une charge de pasteur, l’envoie rejoindre son frère Élie à Neuwied, en Prusse sur les bords du Rhin, dans un collège tenu par des pasteurs luthériens Frères Moraves10. Mais Élisée supporte mal le caractère superficiel de l’enseignement religieux de cette école : il rentre en 1844 à Orthez en passant par la Belgique. Son séjour à Neuwied n'est cependant pas entièrement négatif : il a l’occasion d’y apprendre des langues vivantes (allemand, anglais, néerlandais), et le latin, ainsi que d’y rencontrer des personnalités qu’il revit plus tard.
Avec son frère aîné Élie jusqu'en 1847, il loge pendant quatre ans (1844-1848) chez la sœur de sa mère, Louise Trigant (1812-1897) épouse du riche notaire Pierre Léonce Chaucherie (1811-1885), à Sainte-Foy-la-Grande où il est inscrit au collège protestant de cette ville pour y préparer le baccalauréat10, obtenu à l'Université de Bordeaux à l'été 1848. Il rencontre vraisemblablement à cette période un ancien ouvrier parisien ce qui lui permet de lire Saint-Simon, Auguste Comte, Fourier et Lamennais11.
En 1848-1849, Élisée et Élie suivent des études de théologie à la faculté de théologie protestante de Montauban11. Ils en sont exclus à l'été 1849 pour des raisons politiques, à la suite d’une fugue qu’ils firent en juin vers la Méditerranée. C’est sans doute au cours de ces années qu’il prit goût à ce qui devait devenir sa conception de la géographie sociale. Élisée perd très vite la foi et est séduit par les idéaux socialistes de son époque7. Il décide alors d’abandonner définitivement les études théologiques. Il se rend cependant au collège de Neuwied où il est engagé comme maître répétiteur (1850).
Il est à nouveau déçu par l’atmosphère du collège, qu’il quitte pour se rendre à Berlin en 1851. Vivant assez chichement de leçons de français, il s’inscrit à l’université et, pendant un semestre, il y suit notamment les cours du géographe allemand Carl Ritter dont il devient le disciple7.
À l'été 1851, Élisée retrouve son frère Élie à Strasbourg et ensemble ils décident de rentrer à Orthez (via Montauban) en traversant la France, à pied, ce qui a certainement contribué à former son caractère. Acquis dès cette époque aux idées politiques progressistes et anarchistes, il écrit son premier texte d'inspiration libertaire, Développement de la liberté dans le monde11, où il évoque « l'anarchie, la plus haute expression de l’ordre ». L'article est publié, vingt ans après sa mort, en 1925, dans Le Libertaire12.

Premier exil[modifier | modifier le code]

À Orthez, apprenant le coup d’État du 2 décembre 1851, les deux frères manifestent publiquement leur hostilité au nouveau régime et leur engagement républicain. Menacés d’être arrêtés, ils s’embarquent pour Londres où ils connaissent l’existence miséreuse des exilés. Élisée ne reverra la France qu’en 185713. À Londres, il prend la mesure de l’humiliation qu’engendre la pauvreté. Élisée vit chichement de quelques leçons. En Irlande, où il est pendant plusieurs mois (1852) régisseur d'un domaine agricole à Blessington dans le comté de Wicklow, il découvre la pauvreté de la campagne irlandaise encore très marquée par la grande famine de 1847 et la dureté de la domination coloniale anglaise13.
Début 1853, il s’embarque pour La Nouvelle-Orléans. Il y exerce divers petits métiers dont celui d’homme de peine, puis est embauché comme précepteur des trois enfants d’une famille de planteurs d’origine française, les Fortier. C’est au cours de cette période qu'il est confronté à une nouvelle situation de domination, la société esclavagiste des planteurs. Révolté par la condition des esclaves dont il vit indirectement pendant plus de deux ans (1853-1855), il sera un partisan indéfectible des Nordistes durant la guerre de Sécession13.
Il forme le projet de s’installer en Amérique du Sud comme agriculteur et de faire venir auprès de lui son frère Élie et sa femme, mariés à Bordeaux en 1855. Fin 1855, il part donc pour la Colombie (alors Nouvelle-Grenade), par Cuba et la province colombienne du Panama. Il essaye pendant un an et demi de s’installer comme planteur de bananes ou de café. Peu doué pour les affaires, sans capitaux suffisants pour créer son exploitation, affaibli par les fièvres, l’échec est total. Il quitte la Colombie en  grâce à l’argent envoyé par son frère aîné qui lui permet de payer ses dettes et son billet pour le retour13.

Géographe et socialiste[modifier | modifier le code]

Reclus1.gif
En , Élisée revient en France et se fixe chez son frère Élie, à Neuilly-sur-Seine (partie occidentale du 17e arrondissement de Paris en 1860). Les deux frères y rencontrent Auguste Blanqui et Pierre-Joseph Proudhon12. Tout en donnant des cours de langues étrangères, Élisée s’engage dans ce qui allait par la suite devenir sa principale occupation : il entre à la Société de géographie le .
Fin 1858, il retourne à Orthez en compagnie de son père qui revient d’Angleterre, où il est allé chercher des aides financières pour un asile de vieillards qu’il a créé à Orthez. Le , il est initié dans la loge maçonnique, Les Émules d’Hiram du Grand Orient de France14. Il n’y est jamais actif et au bout d’un an il s'éloigne de la franc-maçonnerie. Le , il se marie civilement avec Clarisse Brian15 et il retourne à Paris où il forme un ménage communautaire avec son frère Élie, marié à leur cousine germaine paternelle Noémi Reclus (1828-1905).
De 1859 à 1868, il contribue à l'influente Revue des deux Mondes où il donne des articles de géographie, de géologie, de littérature, de politique étrangère, d'économie sociale, d'archéologie et de bibliographie, qui sont fort remarqués10. Fin , la maison Hachetterecrute Élisée pour rédiger des guides pour voyageurs (guides Joanne), dont le Guide du voyageur à Londres et aux environs (1860), ce qui l’amène à parcourir la France et divers pays d'Europe occidentale (Allemagne, Suisse, Alpes italiennes, Angleterre, Sicile, Pyrénéesespagnoles). Son premier livre tout à fait personnel, Voyage à la Sierra Nevada de Sainte-Marthe, un récit de son aventure colombienne, est publié chez Hachette en 186111.
En 1862, Élisée se rend à Londres à l’occasion de l’Exposition universelle, dont il signe le guide Joanne chez Hachette. De 1863 à 1871, les deux frères font de fréquents séjours à Vascœuil (Eure, Normandie) chez leur ami Alfred Dumesnil (1821-1894), gendre de Jules Michelet. Adèle Dumesnil, la fille de l'historien, étant décédée en 1855, Dumesnil, veuf, épouse en 1871 Louise Reclus (1839-1917), sœur d'Élisée et d'Élie qu'il employait depuis 1863 comme gouvernante de son château de Vascœuilet préceptrice de ses deux filles Jeanne Dumesnil (1851-1940) et Camille Dumesnil (1854-1940).
Le , il est parmi les fondateurs de la Société du Crédit au Travail, banque dont le but était d’aider à la création de sociétés ouvrières11. En juin 1864, avec son frère Élie Reclus, il est l’un des vingt-sept fondateurs de la première coopérative parisienne de type rochdalien : l'Association générale d’approvisionnement et de consommation. Élisée est élu secrétaire de L’Association, bulletin international des coopératives, fondé le . Il collabore à La Coopération, qui lui succède. En 1866, il fait partie avec Élie d’une société coopérative d’assurances sur la vie humaine créée à Paris sous le nom de L’Équité12,11.

Militant de la Première Internationale et communard, La Terre[modifier | modifier le code]

Reclus-elisee.jpg
En , les deux frères Élie et Élisée adhèrent à la section des Batignolles de l’Association internationale des travailleurs fondée le  à Londres (AIT, Première Internationale)12.
En novembre de la même année à Paris, Élie et Élisée rencontrent Bakounine avec qui ils entretiennent des liens amicaux et politiques forts. Ils militent ensemble à la Fraternité Internationale, société secrète fondée par Bakounine. En 1865, Élisée se rend à Florence, où il revoit Bakounine et fait la connaissance de révolutionnaires italiens12.
En 1867, Élisée participe à deux réunions internationales : du 2 au , deuxième Congrès de l’Association internationale des travailleurs à Lausanne et du 9 au , premier Congrès de la Ligue de la Paix et de la liberté à Genève. Du 21 au  il participe activement au 2e Congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté, à Berne. Il y fait une intervention que l’on considère généralement comme sa première adhésion publique à l’anarchisme. Élisée, Bakounine et quelques autres s’opposent à la majorité des congressistes sur la question de la décentralisation. Ils en tirent les conséquences et quittent la Ligue15.
Parallèlement, Élisée publie chez Hachette en 1867 et 1868 (datés 1868 et 1869) les deux volumes d'un magistral traité de géographie générale, La Terre, description des phénomènes de la vie du globe, qui lui assure une grande renommée dans les milieux intellectuels européens et sera, a posteriori, la première œuvre de sa vaste trilogie géographique avec la Nouvelle Géographie universelle (1875-1893) et L'Homme et la Terre (1905-1908).
En 1868, il adhère à l’Alliance internationale de la démocratie socialiste fondée par Bakounine et admise, en , par le Conseil général de l’Association internationale des travailleurs, au nombre des sections genevoises15. Le  et le  à Londres, Élisée assiste, à titre d’invité, à deux séances du Conseil général de la Première Internationale.
En 1869, il publie chez Pierre-Jules Hetzel son Histoire d’un ruisseau. Soucieux de donner un foyer à ses filles, confiées à deux de ses sœurs à la suite de la mort de sa femme Clarisse le , Élisée et Fanny L'Herminez, une institutrice venue d'Angleterre, déclarent s’accepter librement l’un l’autre pour « époux » le  lors d'une réunion de famille15 à Vascœuil.
Durant la guerre franco-prussienne de 1870, puis la Commune de Paris, Élisée s’engage activement dans l’action politique et militaire. À l'automne 1870, pendant le siège de Paris par les Prussiens, il s’engage comme volontaire au 119e bataillon de la Garde nationale puis dans le bataillon des aérostiers dirigé par le photographe Nadar15 qui devient un ami intime. En décembre, il participe, avec André Léo, Benoît Malon et son frère Élie Reclus, à la création du journal La République des travailleurs12. Il tente de se présenter aux élections législatives du  à Orthez, sans succès (il n'a pas eu le temps de faire inscrire sa candidature). Après la proclamation de la Commune, le 18 mars 1871, il s'engage comme volontaire dans la Fédération de la Garde nationale10. Le 11, à l'occasion d'une sortie confuse à Châtillon, il est fait prisonnier le fusil à la main par les Versaillais10,15.
Emprisonné au camp de Satory15 à Versailles, il est rapidement transféré en rade de Brest, au fort de Quélern puis sur l’île de Trébéron, avant de revenir en banlieue parisienne pour y être jugé. Il connaît en tout une quinzaine de prisons en onze mois de captivité12 (-).

Bannissement en Suisse[modifier | modifier le code]

Élisée Reclus en Suisse.
Le , le 7e Conseil de guerre le condamne à la déportation10 simple (transportation) en Nouvelle-Calédonie15.
Sa renommée scientifique, ainsi que les réseaux créés par son frère Élie dans les milieux intellectuels et coopératifs britanniques, valent à Élisée une pétition de soutien regroupant essentiellement des scientifiques britanniques et réunissant une centaine de noms (dont Charles Darwin) : le , la peine est commuée en dix années de bannissement10. Élisée Reclus se refuse à signer un recours en grâce. Sa peine sera remise le 15.
Il n'est pas encore sorti de prison qu'il fait paraître une chronique de Géographie générale en 25 épisodes (du  au ) dans La République française, le quotidien de Léon Gambetta, auquel sont liés son beau-frère Germain Casse comme journaliste (et député en 1873), et comme administrateur Paul Frédéric Hickel, notaire et frère cadet de son ami intime décédé Gustave Hickel. Cette série d'articles géographiques constitue un trait d'union entre l'épisode de la Commune et le début de la parution en feuilleton hebdomadaire de sa Nouvelle Géographie universelle, le .
À la suite de sa commutation de peine, Élisée, sa compagne et ses deux filles séjournent en Suisse, à Lugano (1872-1874)10,16.
Élisée assiste au congrès de la Paix de Lugano (), et fonde une section internationaliste en 1876 à Vevey, avec son ami cartographe Charles Perron, qui dessine pour lui dans la Nouvelle Géographie Universelle. La section publie un journal, Le Travailleur, prônant notamment l'éducation populaire et libertaire17.
En , sa compagne Fanny meurt en couches, ainsi que leur nouveau-né prénommé Jacques : Élisée et ses filles quittent le Tessin et s'installent au bord du lac Léman, dans le canton de Vaud : à La Tour-de-Peilz (1874-1875), Vevey (1875-1879) puis Clarens (1879-1890). Le , il s'unit à Ermance Gonini veuve d’un cousin Trigant-Beaumont de la mère des Reclus, et mère adoptive d'une fille d'un couple de sauniers charentais, Sophie Guériteau dite Georgette Gonini (qui s'unira en 1889 au graveur William Barbotin). Héritière d’une petite fortune, Ermance fait construire une maison à Clarens, au bord du lac Léman (1876-1879), où la famille s’installe de 1879 à 12.

Communiste anarchiste[modifier | modifier le code]

En Suisse, il est membre de la Fédération jurassienne où il acquitte sa cotisation de membre « central »12. Il entretient des relations suivies avec Michel Bakounine dont il publie et préface, en 1882, Dieu et l'État11, puis avec Pierre Kropotkine16 dont il fait la connaissance en 12. Une grande amitié le lie en outre à James Guillaume12.
En 1873 et 1874, il collabore à l’Almanach du peuple, et en 1877, à La Commune. Le  à Lausanne, il affirme son communisme libertaire lors d’une réunion commémorative de la Commune de Paris12. Le , à Berne, il assiste aux obsèques de Bakounine et prononce un discours funèbre15. Au printemps 1877, il lance à Genève la revue Le Travailleur avec son camarade et collaborateur Charles Perron, ainsi que Nicolas Joukovsky et Alexandre Oelsnitz, dans laquelle ils se déclarent « an-archistes »12.
Amnistié en 1879, il reste à Clarens où il collabore au journal Le Révolté dirigé à Genève par Pierre Kropotkine et François Dumartheray7,12, puis par Jean Grave. Les persécutions de la police suisse conduisent au transfert du titre à Paris en 1885.
Les 9 et , il participe au congrès de la Fédération jurassienne. Il y définit son communisme libertaire, « conséquence nécessaire et inévitable de la révolution sociale » et « expression de la nouvelle civilisation qu’inaugurera cette révolution », et qui implique notamment « la disparition de toute forme étatiste » et « le collectivisme avec toutes ses conséquences logiques, non seulement au point de vue de l’appropriation collective des moyens de production, mais aussi de la jouissance et de la consommation collectives des produits » (Le Révolté, )12.
En 1883, les autorités tentent de l'impliquer dans le procès des 66 mené, à Lyon, contre Kropotkine. Il est présenté comme son collaborateur dans l'organisation du « parti anarchiste international », alors que l'anarchisme, par définition, ne se prête guère à une discipline ni à une hiérarchie. Il écrit au procureur général pour se mettre à sa disposition et finalement les poursuites sont abandonnées10.

Nouvelle Géographie universelle[modifier | modifier le code]

Pendant toute cette période, il rédige certains de ses grands textes géographiques : Histoire d’une montagne (1876, puis 1880 pour l'édition définitive chez Pierre-Jules Hetzel), ainsi que les premiers volumes de sa Nouvelle Géographie universelle, dont la publication est poursuivie régulièrement chez Hachette de 1875 (1er volume daté 1876) à 1893 (19e volume daté 1894)7.
Il continue aussi à voyager (Italie, Algérie, États-Unis, Canada, puis Brésil, Uruguay et Argentine). En , il se rend à Naples et y rencontre le révolutionnaire hongrois Kossuth. En , Élisée et sa famille reviennent en France et se fixent en banlieue parisienne à Nanterre (1890-1891), Sèvres (1891-1893), enfin Bourg-la-Reine (1893-1894)11.
La Nouvelle Géographie universelle lue en français ou en traduction dans le monde entier, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud aussi bien qu'en Australie, en Perse ou en Chine, lui vaut une célébrité internationale, unique pour un géographe de langue française et qui en fait, de son vivant, un égal en renommée planétaire de Victor Hugo ou de Louis Pasteur18. Elle lui fait également recevoir, entre autres, les prestigieuses distinctions de trois sociétés savantes : en novembre 1891, la grande médaille d’honneur annuelle de la Société de topographie de France alors présidée par le contrôleur général de l’armée Léonard Martinie ; en , et « à titre exceptionnel » car normalement réservée aux explorateurs, la grande médaille d’or de la Société de géographie de Paris11 ; en , la médaille d’or annuelle (Patron’s Medal) de la Royal Geographical Society de Londres.

Bruxelles et l’Université Nouvelle[modifier | modifier le code]

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En 1892, à la suite de la condamnation de Ravachol, les anarchistes sont de plus en plus étroitement surveillés par la police, et Élisée Reclus a presque achevé sa Nouvelle Géographie universelle, si bien qu'il décide d’accepter une proposition de l’Université libre de Bruxelles (ULB) qui lui offre une chaire de géographie comparée en lui décernant le titre d'agrégé de la Faculté des sciences10.
Ses cours doivent commencer en , mais deux événements modifient son entrée dans une carrière professorale en Belgique. Le , Auguste Vaillant lance une bombe à la Chambre des députés à Paris ; recherché parce qu'il a reçu la visite de Vaillant peu avant l'attentat, son neveu Paul Reclus est en fuite, et le géographe est jugé moralement coresponsable de l'attentat par les autorités judiciaires françaises. Au même moment, un texte de Reclus intitulé « Pourquoi sommes-nous anarchistes ? »19 est diffusé sur le campus bruxellois. Dans ce texte, il condamne la bourgeoisie, les prêtres, les rois, les soldats, les magistrats qui ne font qu’exploiter les pauvres pour s’enrichir. C'est un véritable appel à la révolution : l’unique moyen d’arriver à l’idéal anarchiste, c’est-à-dire à la destruction de l’État et de toutes autorités, par « l'action spontanée de tous les hommes libres ». Dès lors, les événements se succèdent rapidement20.
En sa séance du , le conseil d'administration de l'ULB prie Élisée Reclus de reporter son cours sine die, ce qui provoque la démission du recteur de l'université Hector Denis, et de plusieurs professeurs. C’est à ce moment que surgit l’idée de créer une institution concurrente, la Nouvelle Université libre de Bruxelles ou Université Nouvelle, répondant mieux à leurs convictions philosophiques, matérialistes et positivistes, d'autant que plusieurs professeurs étrangers sont prêts à venir y donner cours. Le , alors que l’Université libre de Bruxelles est fermée pour une durée indéterminée, les premiers cours sont donnés, rue du Persil à Bruxelles, dans les locaux de la loge maçonnique Les Amis philanthropes, elle-même à l’origine de la fondation de l’ULB en 1834. L'Université Nouvelle est fondée officiellement le  : elle est ouverte aux théories positivistes et basée sur le libre examen20. Ses professeurs ne reçoivent aucune rémunération. Élisée Reclus s'installe à Ixelles, en banlieue Sud de Bruxelles, ainsi que son frère Élie brièvement emprisonné le  à Paris en raison de la fuite de son fils aîné Paul Reclus ; Louise Dumesnil, sœur d'Élie et Élisée et veuve d'Alfred Dumesnil depuis , vient s'installer auprès de ses deux frères : à quelques rues de distance, tous trois ainsi que l'épouse d'Élie, Noémi Reclus, forment à Ixelles une communauté familiale, à l'instar de celle formée à Paris entre 1857 et 1871.
Les cours d’Élisée Reclus attirent énormément de monde, une manifestation étudiante suit sa première conférence. Son frère Élie y donne des cours d'ethnographie religieuse. Des personnalités éminentes y enseignent : Émile Vandervelde, Louis de Brouckère, Paul Janson, Edmond Picard, etc21,22.,20.
L’Université Nouvelle existe jusqu’en 1919, date à laquelle elle fusionne avec l’Université libre de Bruxelles, mettant fin au conflit entre libéraux doctrinaires et progressistes20.

La rencontre avec Alexandra David-Néel[modifier | modifier le code]

C'est en 1886 qu'Élisée Reclus rencontre à Bruxelles la fille d'un communard, Eugénie David, une jeune fille appelée à devenir célèbre par la suite : Alexandra David-Néel11. Il a cinquante-six ans, elle en a dix-huit. Une forte amitié se noue entre eux, qui ne cesse qu'à la mort d'Élisée. Il eut sur sa jeune admiratrice une influence certaine : le premier ouvrage écrit par Eugénie David (Pour la vie, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial) parut en 1901 avec une préface d'Élisée Reclus. Ils s'écrivent à plusieurs reprises, notamment lors du séjour d'Alexandra à Hanoï, en 1895.

Grand Globe, cartes globulaires, L'Homme et la Terre[modifier | modifier le code]

Fin  Élisée se rend à Florence pour témoigner dans un procès d’anarchistes italiens, qui sont relaxés. Le , il a la douleur de perdre sa fille cadette, dont il recueille à Ixelles, avec sa sœur Louise Dumesnil, trois enfants.
De 1895 à 1898, il se lance dans un projet de construction d'un Grand Globe, une maquette de plus de 127,5 mètres de diamètre, destinée à représenter fidèlement la Terre par une même échelle du 1:100 000 pour la surface et les reliefs, et qui devait être érigée sur la colline parisienne de Chaillot pour l'Exposition universelle de 190023.
Élisée Reclus décrit ainsi son projet : « Des milliers de vues, de paysages, de types d'hommes et d'animaux, de scènes caractéristiques seront placées en diorama mouvant dans les panneaux intérieurs de l'enveloppe, en face même des formes géographiques correspondantes figurées sur la convexité du globe. Nous assisterons ainsi à toutes les manifestations de la vie sur terre, dont nous parcourrons du regard les étendues. Nous la verrons s'animer, se transformer et l'harmonie se fera dans notre imagination entre la terre, ses phénomènes de toute nature, ses plantes et ses habitants. »24
Faute des financements nécessaires (environ 20 millions de francs-or25), le projet restera à l’état d‘ébauche et ne verra finalement pas le jour. Outre Reclus, il devait réunir Charles Perron, l’architecte-voyer de la ville de Paris Louis Bonnier et le biologiste, sociologue et urbaniste écossais Patrick Geddes17, dont Élisée et Élie sont amis. À leur retour de l’Athènes du Nord, où ils ont admiré la vitalité de ses réalisations, les deux frères publient en 1896 un texte élogieux 26, et le projet de globe terrestre géant pour la colline de Chaillot s’inscrit dans la même veine que l’Outlook Tower [archive], monument-phare de la rénovation du centre historique d’Édimbourg déjà édifié par Geddes en 1892.
Tout comme Élisée, Geddes est un penseur universel et un pionnier de l’écologie, établissant des passerelles théoriques et pratiques entre biologie, sociologie, urbanisme et environnement, dans une approche didactique et pluridisciplinaire qui articule constamment le local et le global.
« Kropotkine et Geddes, le Russe et l’Écossais, furent, bornant l’Europe à l’est et à l’ouest, les deux repères permanents de la “géographie intime” d’Élisée27. »
Paul Reclus restera très lié à Patrick Geddes, grand francophile qui viendra terminer sa vie à Montpellier où il a fondé le Collège des Écossais, et dont le second fils, Arthur, épousera Jeannie Colin, petite-fille de Jeannie Cuisinier, la seconde fille qu’Élisée eut avec Clarisse Brian.
Le , Élisée Reclus fonde l'Institut d'études géographiques ou Institut géographique, qui dépend de l'Université Nouvelle et forme les étudiants par des excursions et la rédaction de mémoires originaux.
Quatre mois plus tard, le , il crée aussi une Société anonyme d’études et d’éditions géographiques Élisée Reclus en association avec des capitalistes belges. Elle fera faillite le . La société publie d'une part divers mémoires de géographie entre 1899 et 190528, et d'autre part quelques exemplaires de « cartes globulaires » ou « disques globulaires ». Ce sont des cartes planes en couleur, mais gravées sur un support métallique convexe qui figure, à l'échelle, la courbure de la surface terrestre ; 36 feuillesassemblées constitueraient un globe terrestre à l'échelle du dix-millionième. Cette représentation d'un genre nouveau est conçue par le cartographe belge Émile Patesson et Élisée Reclus qui, en 1902 et 1903, tente d'intéresser à leur diffusion les Sociétés de géographie de Paris, Londres et Berlin, sans grand succès.
Entre 1896 et 1901, Élisée fournit en outre plusieurs mémoires importants à des revues françaises, belges, suisses ou anglaises29.
En 1903, il demande à son neveu Paul Reclus de s'établir à Ixelles pour l'aider à achever et éditer L'Homme et la Terre, qu'il rédige depuis 1895 sous le titre provisoire L'Homme, géographie sociale. Grâce à son frère géographe Onésime Reclus, ce dernier grand ouvrage est publié en feuilleton périodique puis en 6 volumes par la Librairie universelle à Paris, pour l'essentiel après sa mort (1905-1908) et sous le contrôle vigilant de Paul Reclus30,31. À l'initiative du pédagogue libertaire Francisco Ferrer, L'Homme et la Terre commence à être traduit en espagnol dès 1906.
Œuvre de géographie sociale appliquée à l'histoire de l'humanité, L'Homme et la Terre est aussi ce qu'on nomme aujourd'hui un ouvrage de géohistoire, et encore de philosophie de l'histoire et d'anthropologie historique. Si certains géographes du début du xxe siècle ont pour cela rechigné à y voir un ouvrage de géographie32, inversement, il fait tout aussi bien d'Élisée Reclus un historien original et pénétrant, ignoré jusqu'à présent par une profession historienne pour laquelle il est seulement géographe : les cloisonnements disciplinaires dont se jouait Élisée Reclus ont ainsi provoqué une double exclusion de ce titre majeur, chez les géographes et chez les historiens. En 1927, dans les colonnes du quotidien communiste L'Humanité, l'écrivain Henri Barbusse déclare pourtant que selon lui, « il existe un grand livre d’histoire universelle, une œuvre capitale, admirable, et qui surplombe toute la production actuelle. C’est L'Homme et la Terre d’Élisée Reclus. »33
Fruit de quarante ans de travail, la « trilogie » géographique d'Élisée Reclus comprend en 1908, dans des formats différents, trois grands ouvrages qui totalisent 27-1 volumes et 22 218 pages : La Terre, 1867-1868 (datés 1868-1869), 2 vol., 1 554 p., 7 % du total ; la Nouvelle Géographie universelle, la Terre et les hommes, 1875-1893 (datés 1876-1894) et 1894, 19-1 vol., 16 977-39 p., 77 % du total ; L'Homme et la Terre, 1905-1908, 6 vol., 3 648 p., 16 % du total.

Disparition sans cérémonie[modifier | modifier le code]

Les Temps nouveaux du 15 juillet 1905 annoncent la mort de Reclus.
Durant les toutes dernières années de sa vie, Élisée Reclus, qui souffre d’angine de poitrine, voyage encore (France, Pays-Bas, Londres, Berlin).
Fin , il apprend la révolte des marins du cuirassé Potemkine, ce qui constitue l’une de ses dernières joies.
Il meurt le  à Thourout (Torhout), près de Bruges. Conformément à ses dernières volontés, aucune cérémonie n’a lieu : seul son neveu Paul Reclus suit le cercueil34,35.
Il est enterré au cimetière d’Ixelles, commune faisant partie de l'agglomération de Bruxelles, (plus tard Bruxelles-Capitale) dans la même tombe que son frère Élie mort l’année précédente. Dix jours plus tard, l'épouse de ce dernier, Noémi Reclus, morte à Ixelles le , les y rejoint.

Les idées d’Élisée Reclus[modifier | modifier le code]

L'Homme et la Terre (1905-1908).
Le bannissement politique d’Élisée Reclus pour ses idées anarchistes a certainement été à l’origine de l’oubli relatif dans lequel il est aujourd’hui. Selon la géopolitologue Béatrice Giblin : « C’est bien parce qu’on ne pouvait dissocier le géographe, qui aurait dû être nanti d’on ne sait de quelle sereine impartialité scientifique, du militant anarchiste, que les représentants de l’institution universitaire ont choisi de l’oublier et de le faire oublier au plus vite »13.
Il est méfiant envers la valeur du progrès : « Certes, l’industrie amena de réels progrès dans son cortège, mais avec quel scrupule il importe de critiquer les détails de cette grande évolution ! », il faut « prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même ». Pour lui, le progrès s'accompagne de « régrès », de régressions qui inscrivent les évolutions dans une problématique dialectique. Ainsi, dans L’Homme et la Terre il revient à de nombreuses reprises sur cette idée : « Le fait général est que toute modification, si importante qu’elle soit, s’accomplit par adjonction au progrès de régrès correspondants » (tome VI p° 531). Reclus ne désapprouve pas l'action de l'homme sur la nature, mais cette dernière doit répondre à des critères sociaux, moraux et esthétiques13.
Pour Yves Lacoste, il serait le père de la réflexion géopolitique française (même si Reclus n'emploie jamais ce mot dans son œuvre)36.
L'un des aspects les plus marquants de sa personnalité, outre ses convictions libertaires, est sa faculté de penser et d'agir par lui-même. À 18 ans, il affirme : « Je ne veux avoir sur le front la marque d'aucun maître, je veux garder ma libre pensée, ma volonté intacte, ne rendre compte de ma conduite qu'à ma conscience ! »37. Plus tard, il sera proche de la Fédération de la libre pensée(créée en 1848) et donnera des conférences dans des loges maçonniques14.
En ce qui concerne ses idées religieuses, bien que formé dans sa jeunesse pour devenir pasteur, il se détache rapidement et radicalement du christianisme. Selon la géopolitologue Béatrice Giblin : « Son projet [de jeunesse] est alors d’établir la République chrétienne, plus tard, devenu athée, il parlera de la République universelle. Devenir athée, ne signifie pas que Reclus perde ce qui fait de lui un être « religieux », s’il ne croit plus en l’existence de Dieu, il croit avec la foi du charbonnier à la liberté, condition indispensable pour qu’existe un jour la République universelle. »13.
Élisée Reclus vécut toujours très simplement et mit les revenus de ses droits d'auteur versés par les éditions Hachette au service de la famille, des amis, des militants et du mouvement anarchiste12.

Le géographe[modifier | modifier le code]

Illustration dans Géographie Universelle
Un exemple d'illustration dans La Nouvelle Géographie Universelle : Le Lac de Sete Cidades.
Prolongeant les travaux du géographe Carl Ritter dont il a suivi les cours à Berlin à l'hiver et au printemps 185113,16, Élisée Reclus observe la nature, conçoit la Terre comme une totalité harmonieuse et contribue à diffuser la théorie rittérienne des articulations littorales38. Il rédige de nombreux ouvrages de géographie, dont la Nouvelle Géographie universelle en 19 tomes et L'Homme et la Terre sont sans doute les plus importants10.
Son œuvre en fait un précurseur de la géographie sociale39. Pour Reclus, il s’agit d’inclure la dimension humaine dans le processus géographique, y compris sous l'angle des rapports de force sociaux et internationaux.
Il réfléchit aussi à l’enseignement de la géographie et souhaite mettre à la portée de chacun des outils originaux de compréhension dont le Projet de globe terrestre au 100000e en collaboration avec l'architecte Louis Bonnier40.
Ses engagements anarchistes assurent à ses travaux géographiques un réseau d'informateurs dans le monde entier (et la qualité de son travail, dans tous les milieux sociopolitiques), mais ils ont également contribué à lui fermer les portes de la reconnaissance universitaire française pendant presque tout le xxe siècle13. Son anti-institutionnalisme ne lui a pas procuré de disciples, laissant ainsi le champ libre, en France, à l'émergence de l'"école française de géographie" née dans le sillage de son contemporain plus jeune de quinze ans Paul Vidal de La Blache.
En revanche, il fut membre actif, correspondant ou honoraire de nombreuses sociétés savantes, fondées sur le double principe de la libre adhésion et de la cooptation : Société de géographie de Paris, Società degli Amici dell’Educazione del Popolo de Lugano, Société vaudoise des sciences naturelles à Lausanne, Société de géographie de Genève, Commission de géographie commerciale à Paris, Société de géographie de Pest à Budapest, Société de géographie de Berne, Association française pour l'avancement des sciences à Paris, Société normande de géographie à Rouen, Société bretonne de géographie à Quimper, Société de géographie de Rochefort-sur-Mer, Société languedocienne de géographie à Montpellier, Société pour la protection des indigènes à Paris, Ligue du reboisement de l'Algérie à Alger, Société d'anthropologie de Paris, Société royale écossaise de géographie à Édimbourg, Société de géographie de Rio de Janeiro, Société neuchâteloise de géographie, Società geografica italiana de Rome, Société d'ethnographie de Paris, Société royale belge de géographie à Bruxelles41.
Une bonne part des succès éditoriaux que ses œuvres géographiques ont connus de son vivant est redevable à un style souple et puissant, qui en fait l'un des grands écrivains français de la seconde moitié du xixe siècle.

L’anarchiste[modifier | modifier le code]

Reclus - L’Anarchie, 1896.djvu
Élisée Reclus est un militant impliqué directement dans des organisations ouvrières comme l'Association internationale des travailleurs, la Fédération jurassienne, la Ligue de la Paix et de la liberté15. Il est également en relation avec nombre des grandes figures du mouvement libertaire de l'époque : Bakounine, Kropotkine, Dumartheray, Jean Grave, James Guillaume, Max Nettlau, etc.
L’écrasement sanglant de la Commune de Paris l'a convaincu de l’antagonisme irréductible entre le capital et le travail, du rôle néfaste de l’État et de l’impossibilité de parvenir au socialisme par des voies pacifiques ou électoralistes, ce qui n’empêche pas des pratiques éducationnistes. De son exil en Suisse à sa mort, il ne cesse de prendre position sur les problèmes théoriques et pratiques qui se posent au mouvement libertaire : déclaration en faveur de l’union libre à l’occasion du mariage libre de ses deux filles (Le Révolté, ) ou prise de position catégorique contre le principe des élections : « Voter, c’est abdiquer » (Le Révolté, 11-)12.
Sur certaines questions, il défend des positions originales. Il considère que la révolution ne se produira pas dans un proche avenir (Bulletin de la Fédération jurassienne, ). En opposition à Jean Grave, il se déclare favorable au droit de reprise individuelle : « Le révolutionnaire qui opère la reprise pour la faire servir aux besoins de ses amis peut tranquillement et sans remords se laisser qualifier de voleur » (Correspondance, t. III, 21 mai 1893). Enfin, il se montre hostile aux expériences de colonies anarchistes ou milieux libres : « Il ne faut nous enfermer à aucun prix, il faut rester dans le vaste monde pour en recevoir toutes les impulsions, pour prendre part à toutes les vicissitudes et en recevoir tous les enseignements » (Les Temps Nouveaux, 7-). Dans un long passage de L’Évolution, la révolution et l’idéal anarchique (1897), en accord avec Kropotkine, il se livre à un sévère réquisitoire contre Thomas Malthus. Il est également hostile au néo-malthusianisme défendu par Paul Robin12.
En 1895, il publie dans Les Temps nouveaux des ,  et  l'un de ses plus célèbres textes, L’Anarchie, issu d’une conférence prononcée à Bruxelles le dans la salle de la loge maçonnique Les Amis philanthropes (rééd. en brochure, Paris, Publications des Temps nouveaux, 1896, 23 p.)11.

Élisée Reclus et la franc-maçonnerie[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Anarchisme et franc-maçonnerie.
Le , Élisée Reclus est initié en franc-maçonnerie à la loge Les Émules d'Hiram du Grand Orient de France à Paris14,42,11,43. Son frère Élie déjà initié à la logeRenaissance est présent.
Élisée se contente de l'initiation44. Au bout d'un an, il s’en détache et ne fréquente, à nouveau, les loges que lors de son dernier exil à Bruxelles, pour y donner de nombreuses conférences sur l'anarchie14,45. Même s'il ne fut jamais un franc-maçon actif, sa présence à Bruxelles en 1894, a une importance déterminante sur la Maçonnerie belge, et notamment sur la loge Les Amis philanthropes46.

Le partisan de l’union libre[modifier | modifier le code]

Union libre
« Je crois que votre frère E. s'est trompé lorsqu'il vous répondit que «chez nos camarades, la question de l'union libre a peu d'importance». Au contraire, l'opinion est désormais fixée et l'importance capitale de la liberté complète, absolue de la femme en face du masculin est reconnue chez tous les anarchistes [...] Je puis dire qu'à mon avis la révolution est accomplie, le mariage officiel a virtuellement vécu. Il ne reste qu'à déblayer la voie. »47
Article détaillé : Anarchisme et liberté sexuelle.
Fervent partisan de l'union libre48, Élisée Reclus eut quatre compagnes, avec chacune desquelles le contrat social fut différent. Une constante est cependant marquée : il a toujours refusé le mariage religieux49.
  • La première, Clarisse Brian (1832-1869), qu’il épouse civilement à Sainte-Foy-la-Grande le , avec qui il a trois filles (Anna, la troisième, vécut deux semaines en ), avait des origines Peul (sa mère Marie John dite Yon, qui avait épousé le négociant de Sainte-Foy-la-Grande Charles Brian, était la fille d'un Anglais et d'une Peul du Sénégal). Clarisse meurt un mois après son troisième accouchement, le 15. Ce mariage, qui dura dix années, avait une signification toute particulière pour l’antiesclavagiste de retour de Louisiane.
  • Le , à Vascœuil, il s’unit avec la seconde, Fanny L'Herminez (1839-1874), née à Londres d'Édouard L'Herminez (1804-1882), un curé du Nord devenu pasteur calviniste (et par ailleurs condamné à Londres en  pour n'avoir pas reconnu une enfant naturelle née d'une domestique), en union libre15, mariage « sous le soleil » dit-il50. Une très grande unité de vues les rassemble pendant leur courte vie commune de quatre ans entrecoupés par près d'un an et demi de séparation, entre  et , en raison de la guerre de 1870 et du siège de Paris (femme et enfants sont mis à l'abri en Gironde), puis de la Commune de Paris et de l'emprisonnement d'Élisée Reclus51. En , Fanny meurt en mettant au monde un garçon, Jacques, qui ne vécut pas.
  • C’est avec sa troisième compagne, Ermance Gonini (1826-1918), petite-fille du pasteur calviniste d'origine piémontaise Jean-David dit aussi Jean-Daniel Gonini (1760-1840), elle-même veuve d'un cousin maternel des Reclus, le pasteur Jean-François Trigant-Beaumont (1824-1854), qu’il forme le ménage le plus durable, jusqu'aux environs de 1895. Le , à Zurich, ils s'unissent librement sans aucune formalité civile ou religieuse mais après lecture d'un texte qui fut signé par les deux « époux » et leurs seize témoins52. Il a 45 ans, elle en a 49 ; ils n’eurent aucune descendance.
  • Avec sa dernière compagne, la grande bourgeoise Florence Tant (de son nom d'épouse Florence De Brouckère, v. 1841-1927), une riche veuve du fait de ses deux mariages successifs dans la famille De Brouckère, importants industriels tisserands (Louis de Brouckère, militant socialiste, est à la fois son neveu et son beau-fils), nulle union libre et encore moins un mariage, mais une fréquentation assidue à partir de 1895 et plus encore de 1900, chacun demeurant en son foyer53. C'est avec elle et grâce à son automobile qu'Élisée Reclus parcourt le Jura français à l'été 1902 puis à l'été 1903, et c'est chez elle qu'il s'éteint en 1905, dans sa résidence campagnarde de Thourout (Torhout).
Le , à l'hôtel Continental à Paris, « sans permettre à la loi religieuse et civile de s'en occuper »52, « dans des conditions de vérité où les fiancés n'eurent point à faire de cérémonies civile ou religieuse en l'honneur d'une loi qui leur paraît injuste ou d'un culte qu'ils ne pratiquent point »14, ses deux filles s'unissent librement, avec des amis de son neveu Paul : Magali Reclus (1860-1953) avec l'ingénieur et architecte Paul Régnier (1858-1938), fils de Théodore Régnier (né en 1825), un constructeur d'ouvrages d'art pour les chemins de fer, et Jeannie Reclus (1863-1897) avec l'ingénieur chimiste Léon Cuisinier (1859-1887), petit-neveu par sa mère Julie Duez du chimiste Augustin-Pierre Dubrunfaut12, et fils de Joseph Cuisinier (né en 1826), ingénieur chimiste d'une sucrerie picarde qui accompagnera Élisée Reclus aux États-Unis en juin 1891. À l'occasion de l'union de ses filles, Élisée Reclus prononce une allocution rédigée par son frère Élie Reclus, dans laquelle sont détaillées ses principales idées sur le mariage et l’éducation des enfants54 : « Ce n’est point au nom de l’autorité paternelle que je m’adresse à vous, mes filles, et à vous, jeunes hommes qui me permettez de vous donner le nom de fils. Notre titre de parents ne nous fait en rien vos supérieurs et nous n’avons sur vous d’autres droits que ceux de notre profonde affection »55.

Élisée Reclus et l’espéranto[modifier | modifier le code]

Élisée Reclus appelle de ses vœux une langue universelle qui ne viendrait pas se substituer aux langues maternelles mais qui serait une langue vraiment commune à l’humanité entière. Cette langue ne peut pas être une langue ancienne : « à de nouveaux pensers il faut un instrument nouveau. Nulle langue moderne ne convient non plus au rôle de véhicule universel de l’intelligence humaine »56. Il cite l'espéranto en exemple et se réjouit du fait que dix ans seulement après son invention, il réunisse déjà quelques 120 000 adeptes57.

Le naturiste[modifier | modifier le code]

Élisée Reclus pensait que la nudité était l'un des moyens de développer la socialisation entre individus, il en vantait les bienfaits hygiéniques moralement comme physiologiquement, et il la mettait en perspective dans de vastes vues englobantes sur l'histoire et la géographie des cultures. Certains le considèrent parmi les inspirateurs des fondateurs du mouvement naturiste.

Le végétarien[modifier | modifier le code]

Très tôt rebuté par la viande, Élisée Reclus pratique un végétarisme strict12. Il fut un « légumiste » convaincu comme il aimait à le dire et partageait cette conception avec son frère Élie.

Citations[modifier | modifier le code]

Sur la morale
« Celui qui commande se déprave, celui qui obéit se rapetisse. Des deux côtés. comme tyran ou comme esclave, comme préposé ou comme subordonné, l'homme s'amoindrit. La morale qui naît de la conception actuelle de l'État, de la hiérarchie sociale, est forcément corrompue. "La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse", nous ont enseigné les religions, elle est le commencement de toute servitude et de toute dépravation, nous dit l'histoire. » 18 juillet 1892, Correspondance58.

« Pour que l’anarchie triomphe, il faut qu’elle soit déjà une réalité concrète avant les grands jours qui viendront. » Aux compagnons rédacteurs des Entretiens, Les Entretiens politiques et littéraires, juillet 1892, p. 3-659.
Sur la révolution
« [...] l’équilibre rompu d’individu à individu, de classe à classe, se balance constamment autour de son axe de repos : le viol de la justice crie toujours vengeance. De là, d’incessantes oscillations. Ceux qui commandent cherchent à rester les maîtres, tandis que les asservis font effort pour reconquérir la liberté, puis, entraînés par l’énergie de leur élan, tentent de reconstituer le pouvoir à leur profit. Ainsi des guerres civiles, compliquées de guerres étrangères, d’écrasements et de destructions, se succèdent en un enchevêtrement continu, aboutissant diversement, suivant la poussée respective des éléments en lutte.Ou bien les opprimés se soumettent, ayant épuisé leur force de résistance : ils meurent lentement et s’éteignent, n’ayant plus l’initiative qui fait la vie ; ou bien c’est la revendication des hommes libres qui l’emporte, et, dans le chaos des événements, on peut discerner de véritables révolutions, c’est-à-dire des changements de régime politique, économique et social, dus à la compréhension plus nette des conditions du milieu et à l’énergie des initiatives individuelles. » L’Homme et la Terre, préface du tome I, Paris, La Librairie universelle, 190560.
« Il est cependant des esprits timorés qui croient honnêtement à l’évolution des idées, qui espèrent vaguement dans une transformation correspondante des choses, et qui néanmoins, par un sentiment de peur instinctive, presque physique, veulent, au moins de leur vivant, éviter toute révolution. Ils l’évoquent et la conjurent en même temps : ils critiquent la société présente et rêvent de la société future comme si elle devait apparaître soudain, par une sorte de miracle, sans que le moindre craquement de rupture se produise entre le monde passé et le monde futur. Êtres incomplets, ils n’ont que le désir, sans avoir la pensée ; ils imaginent, mais ils ne savent point vouloir. » L’Évolution, la révolution et l’idéal anarchique, Paris, Stock, 190261.
Sur le vote
« Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant, ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage. [...] Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir. Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement. » Le Révolté, octobre 188527.
Sur le progrès
« De quels chants de triomphe en l’honneur du progrès n’ont pas été accompagnées les inaugurations de toutes les usines industrielles avec leurs annexes de cabarets et d’hôpitaux ! Certes, l’industrie amena de réels progrès dans son cortège, mais avec quel scrupule il importe de critiquer les détails de cette grande évolution ! Les misérables populations du Lancashire et de la Silésie nous montrent que tout n’a pas été progrès sans mélange dans leur histoire ! Il ne suffit pas de changer d’état et d’entrer dans une classe nouvelle pour qu’on acquière une plus grande somme de bonheur. » L’Homme et la Terre, t. VI, Paris, La Librairie universelle, 190862.
« [...] prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même, embrasser du regard nos origines, notre présent, notre but rapproché, notre idéal lointain, c’est en cela que consiste le progrès. » L’Homme et la Terre, tome VI, 190863,64.

Sur l'écologie
« La question de savoir ce qui dans l’œuvre de l’homme sert à embellir ou bien contribue à dégrader la nature extérieure peut sembler futile à des esprits soi-disant positifs : elle n’en a pas moins une importance de premier ordre. Les développements de l’humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. Là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort. Parmi les causes qui dans l’histoire de l’humanité ont déjà fait disparaître tant de civilisations successives, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec laquelle la plupart des nations traitaient la terre nourricière. Ils abattaient les forêts, laissaient tarir les sources et déborder les fleuves, détérioraient les climats, entouraient les cités de zones marécageuses et pestilentielles ; puis, quand la nature, profanée par eux, leur était devenue hostile, ils la prenaient en haine, et, ne pouvant se retremper comme le sauvage dans la vie des forêts, ils se laissaient de plus en plus abrutir par le despotisme des prêtres et des rois. » Du Sentiment de la nature dans les sociétés modernes, La Revue des deux Mondes, no 63, 15 mai 186665.
Sur le naturisme
« Au fond, il s’agit de savoir lequel, du nu ou du vêtement, est le plus hygiénique, le plus sain pour développement harmonique de l’homme au physique et au moral. Quant au premier cas, il ne peut y avoir aucun doute. Pour les hygiénistes, c’est une question jugée que celle de la nudité. Il n’est pas douteux que la peau reprend de sa vitalité et de son activité naturelles quand elle est librement exposée à l’air, à la lumière, aux phénomènes changeants du dehors. La transpiration n’est plus gênée ; les fonctions de l’organe sont rétablies ; il redevient plus souple et plus ferme à la fois ; il ne pâlit plus comme une plante isolée privée de jour. Les expériences faites sur les animaux ont prouvé aussi que, lorsque la peau est soustraite à l’action de la lumière, les globules rouges diminuent de même que la proportion d’hémoglobine. C’est dire que la vie devient moins active et moins intense. Encore un exemple de ce fait, que les progrès de la civilisation ne sont pas nécessairement des progrès et qu’il importe de les soumettre au contrôle de la science. » La question des vêtements et de la nudité, L'Homme et la Terre66.

Commentaires[modifier | modifier le code]

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  • Pour le géographe et géopolitologue, Yves Lacoste dans la revue Hérodote en 2005 : « Élisée Reclus nous a énormément apporté et depuis une vingtaine d’années notamment depuis la redécouverte de son œuvre, l’école géographique française, pour d’autres raisons a progressé. Il fut un homme du xixe siècle qui, comme bien d’autres hommes de haute culture, avait l’espérance d’un monde meilleur et ses convictions libertaires, et en vérité sa religiosité profonde, le rendaient à la fois plus lucide à moyen terme et plus utopique pour l’avenir. Nous vivons dans un monde qui a perdu ses illusions et où l’on raisonne en termes de dangers quant à l’avenir de la planète. C’est une raison majeure de nous interroger sur notre position à l’égard de l’œuvre d’Élisée Reclus »36.
  • Pour la naturaliste et historienne Valérie Chansigaud : « le géographe Élisée Reclus, l’un des premiers à étudier la place de l’espèce humaine dans la nature après les révolutions industrielles, pose les bases de ce qui s’appellera plus tard l’écologie. »67
  • Selon Philippe Garnier dans Philosophie Magazine : « Sa pensée mêle anarchisme et méfiance vis-à-vis du progrès, lequel s’accompagne selon lui nécessairement de « régrès ». Face aux idéologies saint-simonienne et positiviste qui fleurissent sous le Second Empire, il regrette la « brutalité » avec laquelle l’homme prend possession de la terre et prône la recherche d’un équilibre avec le milieu naturel. Reclus travaille à un moment où l’humanité bascule des campagnes vers les villes, où la planète est en voie de globalisation tout en présentant encore d’immenses différences de paysages et de cultures. Écologisteavant l’heure, il saisit dans une vision embrassant le social, l’économique, le psychologique, l’impact des migrations et des masses sur l’environnement. S’intéressant autant à l’Afrique centrale qu’aux volcans, à Bakounine qu’à l’union libre en passant par le régime végétarien, il a construit, avec ces classiques que sont devenus Histoire d’un ruisseau ou L’Homme et la Terre, l’une des dernières œuvres encyclopédiques. »68
  • Pierre Kropotkine, ami intime d’Élisée qu’il a rencontré pour la première fois en 1877, le définit ainsi : « Type du vrai puritain dans sa manière de vivre et, au point de vue intellectuel, le type du philosophe encyclopédiste français du dix-huitième siècle »15.
  • Un fonctionnaire de police l’a jugé ainsi : « M. Reclus est un homme fort instruit, laborieux et d’habitudes régulières, mais très rêveur, bizarre, obstiné dans ses idées et croyant à la réalisation de la fraternité universelle » (rapport du 9 janvier 1874, Archives de la Préfecture de Police)15.

Œuvres[modifier | modifier le code]

L Homme Et La Terre 1.jpg
Reclus - La Peine de mort.djvu
Reclus - À mon frère le paysan.djvu

Ouvrages de géographie[modifier | modifier le code]

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