mardi 18 juillet 2017

Crise Arabie saoudite/Qatar: quel partenaire est le plus bankable pour la France?

Alors que depuis un mois, Riyad et ses alliés ont rompu toute relation avec Doha, Jean-Yves le Drian est en tournée dans le Golfe pour tenter une médiation française. Quel est l'allié le plus bankable pour Paris?

Jean-Yves le Drian en Arabie saoudite
Jean-Yves le Drian le 15 juillet 2017 à Jeddah en Arabie saoudite.
STRINGER / AFP
Opération déminage pour Jean-Yves le Drian. Le chef de la diplomatie française, présent dans la péninsule Arabique depuis le 15 juillet, s'est vu confier une mission de taille par Emmanuel Macron: tenter de désamorcer la crise qui enflamme le Golfe. Depuis un mois, Riyad et ses alliés ont rompu toute relation avec Doha. Ils accusent l'émirat gazier du Qatar de soutenir le terrorisme et d'être trop proche de l'Iran. La France, partenaire traditionnel des deux pays du Golfe, s'avance sur un chemin de crête. "Riyad est très déterminé sur ce dossier et n'entend faire aucune concession aux Qataris, confie un diplomate français. Nous prônons de notre côté l'apaisement, ce sont deux pays importants pour la France". Importants à quel point? Quel est le meilleur partenaire pour la France? Challenges dresse un état des lieux des relations économiques de Paris avec ses deux alliés.

Riyad reste le premier partenaire de la France dans la région...

L'Arabie saoudite est le premier partenaire commercial de la France dans le Golfe, avec 7,9 milliards d'euros d'échanges commerciaux en 2016, ce qui représente 36% des débouchés de la France dans la région. Quant au Qatar, les échanges avec Paris se sont élevés à deux milliards d'euros en 2016, ce qui en fait le troisième partenaire de la France dans le Golfe derrière l'Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis (4,7 milliards d'euros). Parmi ces échanges franco-qataris, il convient notamment de citer le rachat par la société d'investissement Mayhoola de la maison de couture française Balmain pour 500 millions d'euros. Et le millésime 2017 devrait être tout aussi important avec par exemple l'obtention par Total d'un énorme contrat pétrolier annoncé en juillet. Coté saoudien, la France a aussi réussi quelques jolis coups au niveau civil, puisque Airbus a décroché des commandes de la compagnie saoudienne Flynas ou de Saudi Arabian et que Engie a remporté un contrat d'un milliard d'euros pour la construction d'une centrale électrique début 2017.

...mais le Qatar est devenu le meilleur client de l'armement français

Sur le plan militaire, la situation est en revanche nettement moins réjouissante pour le couple franco-saoudien. Contrairement à une légende médiatique abondamment entretenue, la lune de miel diplomatique entre Paris et Riyad ne s'est pas traduite par les milliards de contrats qu'espérait l'Élysée. Les chiffres racontent au contraire l'histoire d'un véritable désamour: après une année 2015 exécrable sur les ventes d'armes en Arabie saoudite (195 millions d'euros), les contrats militaires avec Riyad n'ont atteint, selon nos informations, que 700 millions d'euros environ en 2016. Soit 3,5% des 20 milliards de prises de commandes évoquées en janvier par l'ancien ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian… Longtemps client numéro un de l'armement made in France, l'Arabie Saoudite s'est même fait doubler par le Qatar sur la période 2011-2015. Une progression de l'émirat dirigé par le Cheikh Tamin ben Hamad Al Thani qui s'explique principalement par l'achat de 24 chasseurs Rafale pour 6,3 milliards d'euros en 2015.
"Sur 30 ans, l'Arabie saoudite est notre meilleur client dans le domaine de la défense, observe Pierre Conesa, haut fonctionnaire, auteur de l'ouvrage "Docteur Saoud et Mister Djihad" (Robert Laffont, 2016). Mais ce n'est pas dit que ce soit éternellement le cas. Riyad fait jouer à plein la concurrence et elle n'est pas toujours au bénéfice de la France". La réalité est d'ailleurs assez cruelle: selon la direction du Trésor, la France n'était en 2015 que le 10ème partenaire du royaume, avec 2,39% de part de marché, loin derrière la Chine, les Etats-Unis, l'Allemagne, et même l'Italie, l'Inde et la Turquie. Quant au Qatar, la France est devenue le deuxième partenaire commercial du pays derrière les Etats-Unis alors qu'elle n'était qu'en neuvième position en 2014. "La dynamique est du côté de Doha ces dernières années, estime un industriel familier du Golfe. Mais n'oublions pas deux choses: d'une part que Riyad est en guerre au Yémen et a donc des besoins d'armement plus important que le Qatar, et d'autre part, que pour le civil, l'Arabie saoudite avec ses 28 millions d'habitants représente un marché bien plus important que le Qatar et ses deux millions d'habitants".
A lire : Les mauvais comptes de la France en Arabie saoudite

Vision 2030 vs Vision 2030

Les deux pays du Golfe se tirent aussi la bourre pour imaginer un modèle moins dépendant du pétrole: ce qu'ils ont chacun nommé Vision 2030. Côté saoudien, ce plan prévoit surtout la mise en Bourse de près de 5% du capital du géant pétrolier Aramco en 2018. Ce chantier sera la plus grosse introduction boursière de l'histoire, et son produit permettra à Riyad de se doter d'un mégafonds souverain de 2.000 milliards de dollars, quatre fois mieux pourvu que Sama, créé dans les années 1950. Hors Aramco, Riyad vise aussi 200 milliards de dollars de privatisations. "L'Arabie saoudite est en train de changer de modèle, c'est un horizon de développement industriel important pour la France, notamment en matière d'environnement ou de santé", juge Laurent Vigier, PDG de CDC International, le bras armé de la Caisse des dépôts à l'étranger qui a lancé en février un fonds d'investissement franco-saoudien de 400 millions de dollars en prévision de la Vision 2030. Côté qatari, la Vision 2030 se décline en une série de plans quinquennaux qui reposent notamment sur un vaste programme d'investissements dans les infrastructures estimé à 200 milliards de dollars.
0 réactions

 
Contenus s

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire