Le compagnon Abou Hourayra, de son premier
nom Abdchams (adorateur du soleil), embrassa l'Islam devant le Messager,
pendant que l'expédition de Khaybar battait son plein. C'était en l'an 8
de l'Hégire. Durant les quatre dernières années de sa vie, le Messager

sera côtoyé en permanence par cet exceptionnel compagnon à la mémoire prodigieuse.
Avant de se convertir, Abou Hourayra était
un salarié très démuni qui se prosternait à des déités qui ne servent ni
ne nuisent. Après sa conversion, il devint un personnage célèbre vouant
ses adorations à Dieu l'unique. Le voici qui parle de lui-même : « J'ai
grandi orphelin et j'ai émigré très pauvre... J'ai été un salarié
contre le répas de mon ventre, chez Bosra bint Ghazouan. J'étais à leur
service, quand ils installaient leur camp, et je guidais leur caravane
quand ils se déplaçaient. Et maintenant me voilà son époux, grâce à
Dieu. Louange donc à Dieu qui a redressé la religion et fait d'Abou
Hourayra un imam. »
* * *
Etant doté d'une mémoire phénoménale, et
bien qu'il fût un illettré, Abou Hourayra prit vite conscience du
service important qu'il pouvait rendre à la religion musulmane. Il
s'attela alors à préserver l'héritage religieux du Prophète

,
puisqu'il n'avait pas de terre à cultiver ni de commerce à fructifier.
Il réussit ainsi dans de larges mesures à sauvegarder de très nombreux
hadiths de la Tradilion prophétique.
Il se mit à transmettre les hadiths du Prophète

dès la disparition de ce dernier, si bien que des compagnons s'en
étonnèrent, en disant : « D'où lui viennent ces hadiths ? Quand les
a-t-il entendus et appris ? » Le valeureux compagnon répondit avec
clarté à ce genre de questionnements comme pour dissiper le doute qu'on
voulait exprimer. Il avait dit, entre autres : « Vous dites qu'Abou
Hourayra abonde trop dans la transmission des hadiths du Prophète

.
Eh bien! mes compagnons mouhajirites étaient occupés par leur terres.
Pendant ce temps, j'étais quelqu'un de pauvre, qui accompagnait beaucoup
le Messager de Dieu. Je tenais à être présent quand eux s'absentaient
et je retenais dans ma memoire quand eux oubliaient. Et puis, le
Prophète

nous a dit un jour : « Celui qui étale son habit jusqu'à ce qu'il
écoute mon hadith puis le retire à lui, celui-là n'oubliera plus rien de
ce qu'il aura entendu de moi. » J'ai alors étalé mon habit et il m'a
dit des hadiths, puis j'ai retiré mon habit à moi. Par Dieu ! je n'ai
rien oublié de ce que j'ai entendu de lui. De plus, je ne vous aurais
rien rapporté des hadiths du Prophète

, si ce n'était ce verset coranique :
«
Ceux qui dissimulent ce que nous avons fait descendre de preuves et de
guidance, après même les avoir explicitées aux hommes dans l'Ecriture,
ceux-là Dieu les maudit, et les maudisse qui les maudira. » (Coran 2.159)
* * *
Une fois, le souverain Marouan b. al-Hakam
invita Abou Hourayra, pour le tester sur le sujet de sa maîtrise du
hadith. Il le fit asseoir à côté de lui, tandis qu'un secrétaire se
tenait caché et écrivait tous les hadiths dits par Abou Hourayra.
L'année suivante, Marouan l'invita de nouveau et l'interrogea sur les
hadiths : Abou Hourayra n'en n'avait pas oublié le moindre mot.
Abou Hourayra avait d'ailleurs dit de sa
personne : « Aucun compagnon du Messager de Dieu ne rapporte de hadiths
plus que moi, à l'exception de Abdallah b. Amr b. al-As. Celui-ci
écrivait alors que moi je ne sais pas écrire. »
* * *
En outre, Abou Hourayra était, ainsi que sa
famille, un adorateur assidu. Lui, sa femme et sa fille se repartissait
la nuit en prières. Chacun priait un tiers de la nuit, de telle sorte
que leur maison ne connut point d'interruption de rappel de Dieu. Par
ailleurs, lorsqu'il embrassa l'Islam, il fut très soucieux du destin de
sa mère qui refusait de se convertir, si bien qu'il s'en plaignit au
Prophète

. Ecoutons-le plutôt : « Je suis allé trouver le Messager

, les larmes aux yeux, pour dire :
"Ô Messager de Dieu, j'ai tant appelé Oum
Abou Hourayra à l'Islam mais elle refusait à chaque fois. Aujourd'hui,
je l'ai appelée. Alors, elle m'a fait entendre sur toi des propos que je
déteste. Invoque donc Dieu pour qu'il la guide à l'Islam."
Le Messager

a dit par conséquent : "Dieu! guide Oum Abou Hourayra." Je suis sorti
en pressant le pas, pour aller lui annoncer la bonne nouvelle de
l'invocation du Messager. Quand je suis arrivé, j'ai trouvé la porte
fermée puis j'ai entendu le clapotement de l'eau, et elle m'a dit :
"Reste à ta place, Abou Hourayra!"
Puis, elle a mis son habit et porté
précipitamment son khimar, avant de sortir en disant : "J'atteste qu'il
n'est de dieu que Dieu comme j'atteste que Mohammad est son serviteur et
son messager." ...»
* * *
Dans le khalifat d'Omar b. al-Khattab, Abou
Hourayra occupa le poste de gouverneur du Bahrein, mais pour une durée
déterminée, durant laquelle il put constituer quelques biens personnels.
Laissons-le raconter l'entretien qu'il avait eu à Médine avec le
khalife : « Omar m'a dit : "Ennemi de Dieu, ennemi de son livre! As-tu
osé voler le bien de Dieu ?" J'ai dit : "Je ne suis ni l'ennemi de Dieu
ni l'ennemi de son livre. Je suis plutôt l'ennemi de leur ennemis, et je
ne suis pas celui qui vole le bien de Dieu!" Il a dit : "Alors, d'où as
tu les dix mille ?" J'ai dit : "Ce sont des chevaux qui se sont
reproduits, des dons qui se sont succédés (du ciel)."... Omar a dit :
"Verse-les alors au Trésor public."
Abou Hourayra accepta de les verser puis
leva les mains au ciel et dit : « Dieu! pardonne à l'Emir des croyants. »
Quelques temps après, Omar proposa le poste à Abou Hourayra. Ce dernier
refusa. Comme Omar demanda pourquoi, Abou Hourayra répondit : « Pour
qu'on n'insulte pas mon honneur et qu'on ne prenne pas mon bien... »
Ainsi vécut Abou Hourayra et ainsi il
mourut. Il mourut à l'âge de 75 ans, en l'an 59 de l'Hégire et il fut
enterré dans le cimetière d'al-Baqi.
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