mardi 12 juillet 2016

Et pourquoi pas une instance indépendante d'organisation des élections ?

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ELECTIONS ALGERIA
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Le dispositif électoral algérien est complexe et implique une multitude d'instances et d'acteurs. Héritier de la tradition française, il fait du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales le grand maître d'œuvre de l'organisation des opérations électorales avec l'apport de ses démembrements locaux (wilaya, daïra, communes) et d'une pléiade de commissions à différents niveaux.
La faiblesse de ce système, surtout dans un pays sans tradition d'impartialité et de professionnalisme de l'administration, est de confier la responsabilité générale des élections à l'administration gouvernementale, contrairement au système bâti autour de la tradition anglo-saxon qui confère cette mission à une instance indépendante.
La classe politique algérienne (pouvoir et opposition confondus) croit fermement que la transparence d'un processus électoral passe inexorablement par une commission de surveillance des élections. En ce sens, à chaque consultation populaire, une commission est créée. Pourtant, le bilan mitigé en matière de transparence des multiples commissions qui se sont succédées, avec des sigles et des présidents différents (par ex : Saïd Bouchaïr, CNPSEL; Salah Boubnider puis Mohamed Seddiki, CNISEL; Mohamed Teguia CPNSEP; Slimane Boudi CNSEL) n'incitaient en rien de persévérer avec cette approche.
Dans le sillage de cette logique de commission, l'opposition, partant d'un postulat erroné, a fait de la mise en place d'une commission de surveillance indépendante du pouvoir politique, une revendication fondamentale dans son action politique occultant pas conséquent que l'enjeu essentiel est du côté de l'autorité qui devrait être en charge de l'organisation des élections.
Dès lors, la constitutionnalisation de la Haute instance indépendante de surveillance des élections est présentée par le gouvernement comme un acte de bonne volonté d'ouverture envers l'opposition et un "gage de transparence et d'impartialité" pour les rendez-vous électoraux futurs. En fait, le point positif de cette constitutionnalisation de cette instance est le fait de l'avoir rendu permanente évitant ainsi la constitution de commissions à chaque scrutin.
Ainsi, avec la création de cette haute instance, les constituants algériens ont préféré poursuivre dans la veine des commissions précédentes tout en apportant quelques modifications techniques au niveau du fonctionnement et de la composition de cette nouvelle institution, s'inscrivant ainsi dans la stratégie du pouvoir d'entretenir le statu quo avec des ravalements techniques et des arrangements institutionnels et constitutionnels pour assurer la pérennité de cette illiberal democracy qui caractérise le régime algérien.
Le débat aurait pu être autre. Et la loi organique aurait dû porter plutôt sur un objet plus fondamental qui touche le centre de la fraude électorale. Une loi organique ambitieuse et audacieuse préconisant une approche innovatrice qui remodèlerait le système électoral algérien en un système démocratique, efficace et transparent. Une loi qui partirait des considérations suivantes :
- Considérant que les différentes commissions de surveillance des élections dans leur formule hybride (une de surveillance composée de représentants de partis et une autre de supervision formée de magistrats) ou mixte (parité entre magistrats et personnalités) ont démontré leurs lacunes et n'ont pas empêché les multiples violations et fraudes lors des différentes consultations populaires, jetant ainsi le discrédit sur les élections algériennes qui restent associées à la fraude et à l'argent.
- Considérant que la justice devrait être consolidée dans son rôle de contrôler l'application de la loi et de sanctionner son non-respect, et préservée dans sa mission d'arbitre des compétions politiques, sans l'immiscer dans la gestion administrative et organisationnelle des élections
- Considérant que l'Exécutif et ses démembrements locaux ne peuvent être le chef d'orchestre de l'organisation des élections en continuant de jouer un rôle majeur dans le déroulement et l'issue des consultations populaires.
- Considérant que la réforme du système électoral est une étape fondamentale dans la construction d'une gouvernance démocratique.
- Considérant que cette gouvernance impose un système électoral transparent, impartial et indépendant des influences politiques et gouvernementales.
Préconise:
Art 1. Il est créé un organisme indépendant et non partisan chargé de l'organisation et de la conduite des élections et des référendums nationaux, dénommé l'Office Algérien des Élections (OAE).
MISSION
Art 2. L'OAE est chargé de :
a) Organiser, préparer et conduire les élections nationales (présidentielles et législatives), les élections de wilaya et communales ainsi que les référendums
b) Enregistrer les partis politiques et accréditer les nouvelles organisations politiques conformément à la Loi électorale
c) Superviser le financement politique et contrôler les dépenses électorales des partis et candidats en vertu des dispositions de la Loi électorale et des textes subséquents.
d) Repartir le temps d'antenne (radio et télévision) entre les partis politiques lors des campagnes électorales et veiller à l'utilisation de la publicité partisane et électorale.
e) Promouvoir la sensibilisation du public aux questions électorales par le biais de programmes d'éducation et d'information.
f) Gérer des programmes de recherche pour l'amélioration et le perfectionnement des outils de gestion des élections et l'informatisation des opérations électorales
g) Offrir son expertise au Gouvernement et au Parlement à propos du redécoupage des circonscriptions.
h) Créer un registre national des électeurs en compilant et maintenant les listes électorales.
NOMINATION
Art 3. L'OAE est géré et administré par un président.
a) Le président de l'OAE est nommé par une résolution de l'Assemblée Populaire Nationale (APN) votée par les ¾ des membres.
b) Il est choisi sur une liste de 3 personnes sélectionnées, sur la base d'une liste de candidats, établie par un comité restreint de députés représentants chacun un parti et, au cas un groupe de députés indépendants.
c) Il jouit d'une indépendance complète vis-à-vis du gouvernement et des partis politiques.
d) Il est responsable uniquement devant l'APN à qui il présente un rapport rétrospectif après chaque scrutin.
e) Il est nommé pour une période de deux mandats de 5 ans chacun non renouvelables.
ATTRIBUTIONS
Art 4. Le président de l'OAE est chargé de :
a) Appliquer la Loi électorale.
b) Nommer les directeurs du scrutin et veiller à ce qu'ils administrent le processus électoral dans leur circonscription avec compétence et efficacité.
c) S'assurer de la neutralité politique de tous les agents électoraux et de leur impartialité dans tous les aspects de leur travail.
d) Reçoit et traite les plaintes des partis politiques et candidats. Ses décisions peuvent etre contestées devant les instances judiciaires compétentes.
e) Nommer un arbitre chargé de repartir et de veiller au respect de l'utilisation du temps d'antenne entre les partis politiques pendant les élections.
f) Il jouit du pouvoir de demander au Parquet la réquisition de la force publique ainsi que de tester en justice pour atteinte aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
ORGANISATION
Art 5. L'OAE est organisé selon une structure à trois niveaux:
a) Administration centrale: Le président de l'OAE est responsable de la gestion globale du processus électoral et le fonctionnement de l'Office. Il est secondé par des directeurs centraux.
b) Les directions de wilaya: Elles sont dirigées par des directeurs de scrutin. Elles coordonnent les opérations des bureaux de daïra et apportent son soutien logique. Elles compilent les résultats des bureaux de daïra et supervisent et coordonnent l'administration des scrutins dans les circonscriptions;
a) Bureaux de daïra. Ils sont dirigés par des sous-directeurs de scrutin. Ces bureaux administrent le déroulement des élections dans les communes rattachées, appuient les superviseurs communaux de scrutin, gèrent les listes électorales et mènent des activités de sensibilisation du public.
FONCTIONNEMENT
Art 6. L'OAE fonctionne selon le modèle suivant :
a) L'effectif de l'Office est constitué de personnel permanent et de personnel occasionnel
b) Le personnel permanent provient des services des élections au niveau national et local
c) Le personnel actuel de la direction des opérations électorales et des élus et celui de la sous-direction des partis politiques de la direction générale des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales sont transférés à la l'administration centrale de l'OAE.
d) Les fonctionnaires chargés des élections au niveau des wilayas (DRAL), des daïras et des communs sont transférés aux structures locales et régionales de l'OAE
e) Le personnel occasionnel est recruté et formé pour assurer le soutien aux opérations de vote.
f) Les directeurs de scrutin sont chargés d'entretenir en permanence un fichier du personnel occasionnel à qui il ferait appel à chaque scrutin.
g) Le personnel de base et le personnel occasionnel sont soumis aux mêmes règles de déontologie et d'impartialité.
h) Tous les travailleurs électoraux doivent s'engager par serment à défendre les droits des électeurs et le secret du vote, et à effectuer leurs tâches sans favoritisme.
FINANCEMENT
Art 7. L'OAE dispose de l'autonomie administrative et financière.
Art 8. L'OAE est doté d'un budget de fonctionnement annuel et de crédits particuliers pour couvrir toutes les autres dépenses liés à la préparation et à la conduite des scrutins.
En conclusion, le système électoral algérien ne peut évoluer vers l'efficacité et la transparence réelle sans une révolution des mentalités et des approches. L'approche actuelle, malgré les ajustements et les rafistolages, n'a pu produire un système exempt de fraude qui pourrait réconcilier les citoyens avec la chose politique et rendre au mot "vote" sa crédibilité, se défaisant ainsi de l'image bien ancrée que la fraude est une seconde nature des élections algériennes.
La gouvernance démocratique des élections ne peut s'accommoder de structures et des hommes dont l'impartialité est douteuse en raison de leur soumission aux influences politiques et administratives, de leurs liens hiérarchiques avec l'administration gouvernementale et de l'absence de leur indépendance d'action et de décision.

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