mardi 5 juillet 2016

CEVITAL l ! C'est Vital mais pour qui ?

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fagordbrad
"Chaque jour le meilleur !" C'est la devise du groupe français BRANDT, racheté par l'algérien Cevital.
El Watan de ce jour (4 juillet, NDLR), nous apprend que Issad Rebrab a été invité hier à prendre part aux 16e rencontres économiques d'Aix-en-Provence et qu'il a profité de cette occasion pour rencontrer Christine Lagarde, la patronne du FMI. A la suite de cette entrevue, Rebrab aurait déclaré que "la colocalisation est un levier de croissance et de développement permettant à des entreprises et à des pays d'être compétitifs".
Il a fait référence au rachat par Cevital, en 2013, du fabricant français de portes et fenêtres en PVC, OXXO, en présentant la meilleure offre qui a permis la sauvegarde de 288 des 412 emplois menacés en France. Ce rachat devait aboutir également à la création d'une usine de PVC près de Bordj Bou Arreridj avec quelque 3000 postes d'emplois directs créés à terme et plus de 30.000 emplois indirects avec les sous-traitants. Un projet dont la concrétisation se fait attendre, puisque le démarrage de la production était prévu pour 2015. Sur le site internet d'OXXO, le groupe se présente modestement comme "une filiale du Groupe CEVITAL, une véritable opportunité de développement au cœur d'un des premiers groupes industriels algériens".
"Colocalisation" donc ! Un mot qui fait moins peur que "Délocalisation". Mais Rebrab n'a pas inventé ce mot. Il a déjà été déjà utilisé en décembre 2012 par l'ex-Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, suite à une visite au Maroc où "il a vanté, devant des chefs d'entreprises françaises et marocaines, les mérites de la "colocalisation", une "démarche gagnant-gagnant, selon lui, par opposition à la délocalisation".
Le rachat, à la Bernard Tapie, des entreprises françaises en difficulté, est-il toujours bénéfique à l'Algérie en termes de création d'emploi, mais aussi en termes d'image ? C'est une question qui mérite d'être posée tant on est parfois surpris par ces informations contradictoires qui circulent dans le monde économique, aussi bien en Algérie qu'en France.
Lorsque, en avril 2014, la presse économique française s'est fait l'écho de l'incroyable irruption de CEVITAL dans le monde de l'électroménager français, par le rachat du fabricant BRANDT, certains économistes ont parlé de "sauvetage" de l'entreprise française. L'acquisition des marques du groupe BRANDT par Rebrab -De Dietrich, Brandt, Sauter et Vedette -, des brevets, du savoir-faire, et même de la recherche et développement permettait à CEVITAL de se positionner en force sur le marché européen et maghrébin de ce secteur.
Je n'ai pas souvenance qu'on ait parlé de "colocalisation" suite à ce rachat du groupe BRANDT par Rebrab ! Le groupe BRANDT "sauvé" par l'Algérien, on pouvait s'attendre légitimement à ce que son seul et unique actionnaire, CEVITAL, soit mis à l'honneur sur son site officiel. Or, dans la rubrique "Actualité" du site officiel, on peut lire cette présentation: "Nous sommes heureux de vous accueillir sur notre nouveau site Internet pour vous présenter notre Groupe, son activité, ses innovations, ses valeurs et ses implantations. Nous sommes un groupe français, majeur et référent en Europe dans le domaine de l'équipement de la maison : Lavage, Cuisson, Froid et Petit Électroménager".
Et CEVITAL ? Et bien On n'en parle que dans la rubrique "Nous connaitre" avec comme titre "Notre actionnaire" en ces termes "Créé en 1971, le Groupe Cevital est le premier groupe industriel privé algérien. Conglomérat actif dans quatre grands secteurs d'activité - agroalimentaire, industrie, logistique & distribution, automobile & services - Cevital affiche un chiffre d'affaires 2013 de 2,5 milliards d'euros et emploie plus de 14 500 collaborateurs. Avec un taux de croissance annuel à deux chiffres depuis 1999, le groupe Cevital a atteint aujourd'hui une taille qui lui permet d'acquérir le statut de "global player" régional et continental. Un statut consacré par le rapport "The African Challengers" du Boston Consulting Group".
Le groupe s'est bien gardé de préciser que CEVITAL est l'UNIQUE actionnaire de la marque. En revanche, et cela me semble légitime, leur "Nous sommes un groupe français, majeur et référent en Europe" n'est pas innocent dans le contexte socio-économique actuel de la France. BRANDT rajoute une couche en précisant "Nous possédons deux sites de production en France (Orléans et Vendôme) et un parc industriel en Algérie (Sétif), deux sites de R&D en France (Lyon et Orléans), un site dédié au SAV (Cergy-Pontoise) et le siège social du Groupe est à Rueil-Malmaison".
Cette présentation réduit donc la participation de CEVITAL à un simple "sauveur" financier. Hada makane ! Dans la présentation du Comité exécutif de BRANDT - 15 personnes -, on ne retrouve que quatre maghrébins dont le directeur à l'export.
Peut-on parler de démarche "gagnant-gagnant" dans cette situation ? Si les créations d'emplois nets en Algérie par CEVITAL sont une réalité, je ne suis pas sûr qu'il en soit de même en matière d'image de l'entreprise, mais aussi du pays, réduite souvent à un simple "sauveur". Ce d'autant qu'à ma connaissance, il n' y a pas eu de rachat d'entreprises algériennes en difficulté par CEVITAL. Même si là aussi, il faut reconnaitre, que le pouvoir en place actuel n'a jamais facilité la vie à Rebrab à qui certains reprochent son allégeance à l'ancienne équipe du DRS des années 90.
Si CEVITAL est vital, on est en droit de se demander pour qui. Surtout qu'on a tous à l'esprit l'ubuesque aventure de Rafik Khalifa, notre golden boy des affaires dont on connait le triste sort.

Seul l'avenir nous dira si la stratégie de Rebrab en matière d'investissements tous azimuts serait profitable à l'Algérie.

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