L’Arabie Saoudite, maillon essentiel de la politique régionale, a emprunté 17,5 milliards de dollars [16 milliards d’euros] auprès d’investisseurs internationaux, faisant son entrée pour la première fois, mercredi 19 octobre, sur la scène des marchés financiers mondiaux. Cette levée a pour but de compenser la baisse des cours du pétrole et de “combler le déficit budgétaire, estimé à 87 milliards de dollars cette année”, détaille The Wall Street Journal. Cela constitue “une somme sans précédent pour un pays en développement”, indique le quotidien.
“En avril déjà, [le pays] avait dû emprunter 10 milliards de dollars [9 milliards d’euros] auprès d’un consortium de banques, pour la première fois depuis plus de dix ans. Il prévoit également de vendre [moins de 5 %] de son géant du pétrole, l’entreprise publique Aramco.”
   
Ces nouvelles ne passent pas inaperçues dans l’opinion saoudienne. En effet, le jour même de l’émission de cet emprunt, la chaîne d’information MBC a organisé une grande émission politique, invitant le ministre des Finances, le ministre du Service civil et le vice-ministre de l’Économie, pour expliquer la gravité de la situation économique. La phrase choc qu’ils en auront retenue : “L’Arabie Saoudite risque d’être en faillite d’ici à trois ans.”
“Pourquoi cet aveu intervient-il maintenant ?” s’interroge le quotidien panarabe Rai Al-Youm. Est-ce pour justifier la “politique d’austérité” qui attend les Saoudiens, avec “baisse des subventions, hausse de divers tarifs et coupes dans les salaires” ? Sans compter la crainte d’une récession provoquée par le non-paiement des sommes dues aux entreprises du BTP ou l’annulation de grands contrats d’infrastructures.  

Un tournant par rapport au passé

Cette émission participe d’une dramatisation qui, selon le journal, est “un tournant par rapport à la politique du passé, qui consistait, au contraire, à nier les problèmes et à cacher la poussière sous le tapis”.
“L’Arabie Saoudite est en train de s’enliser”, juge pour sa part la chercheuse saoudienne en exil Madawi Al-Racheed dans le magazine britannique Prospect. Selon elle, le pays est “tellement sous pression qu’il aura peut-être du mal à s’en sortirLe régime trouvera-t-il une réponse plus constructive aux problèmes que les flagellations, décapitations et lapidations qui ont fait sa notoriété ?”
Et de conclure : “Le monde ne peut se désintéresser de l’Arabie Saoudite. Ce pays est lié à nos problèmes les plus pressants : la place de l’Iran sur la scène internationale, la guerre civile en Syrie et au Yémen, l’avenir de l’énergie. Il est essentiel de réussir sa transition vers une société plus ouverte. Or, il n’est pas certain que le régime saoudien en sera capable.”