Gaffe ou franc-parler ? Une chose est sûre, les propos de Boris Johnson sur l’Arabie saoudite relayés par The Guardian ne seront pas vite oubliés. Parlant lors d’une conférence qui s’est déroulée à Rome du 1er au 3 décembre, le ministre des Affaires étrangères britannique a dénoncé “les guerres par procuration” que mènent notamment l’Arabie saoudite et l’Iran au Moyen-Orient “pour atteindre leurs propres objectifs politiques”, ainsi que leur “manque de volonté pour tendre la main aux groupes en dehors de leur propre religion, que ce soit [l’islam] sunnite ou chiite”.
M. Johnson a été rappelé aussitôt à l’ordre par sa Première ministre, Theresa May, soucieuse de ne pas vexer le régime saoudien. Le porte-parole du 10, Downing Street a déclaré que les propos de M. Johnson ne reflètent pas la vision du gouvernement britannique.  

“Laissez-le dire la vérité”

“Il était malavisé de la part de Theresa May de recadrer Boris Johnson”estime The Daily Telegraph“Boris Johnson parle sans ménagement, il est connu pour cela. C’est la raison pour laquelle autant d’électeurs l’aiment et lui font confiance”, rappelle le journal. De plus, “il est un acteur clé du cabinet, crucial pour la popularité et le succès de celui-ci”.
Dans la même veine, The Times salue le fait que Boris Johnson ait “compris quelque chose d’important : à l’ère du populisme, les électeurs aiment que les ministres disent les choses comme elles sont. Ils apprécient la sincérité”. Le journal appelle donc le gouvernement  à “le laisser dire quelques vérités de base” et à ne pas vouloir à tout prix “apaiser les sentiments des Saoudiens”.
Si le “franc-parler” de Boris Johnson contraste avec la prudence employée habituellement par les ministres des Affaires étrangères, c’est qu’un manque de diplomatie peut avoir l’effet inverse à celui escompté, relève The Guardian : “Certains messages sont mieux communiqués en privé, soit parce que c’est plus efficace, soit parce que cela évite d’offenser l’autre partie”.  

“Hypocrisie”

Néanmoins, “l’aversion de M. Johnson pour le comportement de l’Arabie saoudite et ses guerres par procuration est justifiée”, concède le journal, même si “la meilleure façon de l’exprimer serait d’arrêter de vendre des armes à ce pays”. Le Royaume-Uni a conclu des ventes à hauteur de 3,3 milliards de livres (3,9 milliards d’euros) depuis le conflit au Yémen, rappelle The Guardian.
Même son de cloche du côté du New Statesman, qui dénonce “l’hypocrisie” du gouvernement britannique. Ce dernier appelle la Russie à “arrêter les bombardements sur des régions civiles à Alep”, alors qu’il ne dit rien sur “la dévastation du Yémen” par l’Arabie Saoudite. Le 11 décembre, M. Johnson sera en visite à Riyad, souligne le journal : “Boris Johnson sera-t-il le premier ministre des Affaires étrangères depuis des décennies à tenir le régime saoudien pour responsable de ses abus, ou bien fera-t-il à nouveau ami-ami avec lui?” Il y a de fortes chances pour que M. Johnson préfère la seconde option, prédit le New Statesman.
Judith Sinnige