La photo la plus tweetée de ce jour en Indonésie, selon les sites des journaux Kompas et Tempo, est celle du roi saoudien Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud à sa descente d’avion, serrant la main à Basuki Tjahaja Purnama, dit Ahok. Maire de Jakarta sino-indonésien de confession chrétienne, celui-ci fait l’objet depuis plusieurs semaines d’un procès pour blasphème au tribunal de la capitale indonésienne.
Depuis une semaine, les médias indonésiens annoncent à grands titres la visite du roi d’Arabie Saoudite en Indonésie -plus grand pays musulman au monde, du 1er au 9 mars 2017, un évènement qui ne s’était pas produit depuis 47 ans. Ils soulignent la délégation colossale du roi, composée de plus d’un millier de personnes, dont 14 ministres, 25 princes, des amis et membres de la famille, et accompagnée de 450 tonnes de “bagages” envoyés par avion-cargo, dont 2 Mercedes-Benz S600 et 2 ascenseurs électriques.

Trois agendas

“Mais que vient donc faire le roi Salmane en Indonésie ?” s’interroge le quotidien Kompas. Il décline ensuite le programme du séjour royal, en trois “agendas”. Le premier de la liste est un pique-nique à Bali, organisé dans le cadre d’un séjour sur l’île du 4 au 9 mars pour lequel le roi a réservé la totalité des chambres dans quatre hôtels de luxe – une véritable manne pour les Balinais en cette période de basse saison touristique.
Mais si on calcule, ce pique-nique n’est qu’un modeste ‘retour d’ascenseur’ envers l’Indonésie qui envoie chaque année en Arabie Saoudite des centaines de milliers de pèlerins.”
Le quotidien de Jakarta poursuit avec l’agenda politique du roi, qui se compose de trois thèmes : la protection des 800 000 travailleurs migrants indonésiens en Arabie Saoudite, dont une majorité de domestiques souvent maltraitées par leurs employeurs saoudiens ; le quota annuel des candidats indonésiens au hadj (pèlerinage à La Mecque), jugé encore insuffisant même s’il a été augmenté de 10 % en 2017 (ce qui représentera 211 000 pèlerins pour l’année) ; et bien sûr les conflits au Moyen-Orient.
À ce sujet, la ministre indonésienne des Affaires étrangères, Retno Marsudi, à qui les médias accordent tout le crédit de cette visite royale, rendue possible grâce aux relations diplomatiques qu’elle a habilement su construire depuis deux ans avec son homologue saoudien et le roi, assure à Kompas que l’Indonésie fera valoir son principe de politique libre et active :
L’Arabie Saoudite connaît parfaitement la position de l’Indonésie, à savoir que toute différence, tout conflit doit être résolu de façon pacifique.”
L’Indonésie n’a pas rompu ses relations diplomatiques avec la Syrie, et a de nombreux accords autour de l’énergie avec l’Iran.

Des centres d’étude de la langue arabe

Le troisième agenda sera économique, avec l’urgence pour l’Arabie Saoudite de divertir ses investissements après la chute du prix du baril du pétrole ces dernières années.
Le Jakarta Post rappelle, avec des chiffres de l’agence de presse indonésienne Antara à l’appui, qu’avec seulement 1 million de dollars d’investissements saoudiens l’an dernier, l’Indonésie contribue jusqu’ici beaucoup plus à l’enrichissement du royaume pétrolier (avec ses centaines de milliers de hadjs chaque année) que l’inverse. “Nous espérons que la visite du roi stimulera les investissements saoudiens en Indonésie, notamment dans le domaine des infrastructures et dans l’industrie pétrolière”, conclut le quotidien en langue anglaise.
Dans une conférence de presse, le 28 février 2017, l’ambassadeur d’Arabie Saoudite à Jakarta a annoncé la construction de trois centres d’études dans les villes de Surabaya (Java), Makassar (Célèbes) et Medan (Sumatra), tout en précisant que ces instituts ne seront pas contaminés par des influences radicales. “Ils ne seront là que pour l’enseignement de la langue arabe. Nous n’autoriserons aucun parti que ce soit à utiliser ces instituts pour servir d’autres buts et intérêts”, a tenté de rassurer l’ambassadeur cité par Kompas.