La paix s’éloigne au Yémen, tandis que l’Arabie saoudite s’enlise dans le conflit
Texte par Marc DAOU
Dernière modification : 10/08/2016
Alors que les pourparlers de paix entre les belligérants yéménites ont débouché sur un échec le 6 août, un nouveau cycle de violences a éclaté au Yémen où les Houthis tiennent tête aux forces loyalistes et à la coalition arabe pilotée par Riyad.
Le Yémen est plus que jamais dans l’impasse, après 16 mois d’une guerre sans merci qui a fait 6 400 morts et plus de 2,8 millions de déplacés depuis mars 2015. Les négociations de paix entre les belligérants yéménites, entamées en avril au Koweït, sous l’égide des Nations unies, ont abouti à un échec le 6 août, après le rejet d'une proposition de l’ONU par les rebelles houthis. Toutefois, les deux parties ont accepté de reprendre langue dans un mois, dans un lieu qui reste à déterminer.
Sans surprise, ce scénario a replongé le pays dans un nouveau cycle de violences alors qu’un semblant d’accalmie, aussi relatif que fragile, s’était de facto installé entre les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenues par une coalition militaire arabe pilotée par Riyad, aux rebelles chiites houthis, alliés à l'ex-chef de l'État yéménite, Ali Abdallah Saleh.
Le 9 août, la coalition arabe a mené, pour la première fois en plus de trois mois, des raids aériens sur la région de Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis depuis janvier 2015, entraînant la fermeture de l'aéroport international.
Une escalade n’est pas à exclure dans les prochains jours, bien que les deux parties semblent avoir entériné le fait que seule une solution politique inter-yeménite mettra un terme à la guerre.
Riyad a terni son image
Pourtant, au moment de lancer leur opération militaire au Yémen en mars 2015, l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe, appuyés par l'Égypte, la Jordanie et le Soudan, pensaient faire reculer, voire vaincre, les Houthis. En vain.
Malgré la multiplication des raids aériens, des opérations au sol et la mise en place d’un blocus maritime et aérien, Riyad s’est enlisé. Aucun succès militaire à même de faire clairement basculer le conflit en faveur de son allié, le président Hadi, n’a été enregistré par la coalition.
Son image a même été ternie après que l’ONU l’a ajoutée sur sa liste noire de pays et organisations violant les droits des enfants. Le secrétaire général des Nations unies avait personnellement accusé l’Arabie saoudite d’être responsable de la mort de centaines de mineurs au Yémen, avant de faire marche arrière et de retirer, sous la pression, le pays de la liste.
D’aucuns estiment même que les Saoudiens chercheraient à se sortir de cette spirale négative. "L’Arabie saoudite veut en finir avec cette guerre (…). Mais il semble que Riyad ne sache pas comment s’y prendre (…)", a indiqué une source diplomatique au journal Le Monde.
Des rebelles qui font bloc
De leur côté, les rebelles, accusés par la coalition d’être soutenus et armés par le grand rival chiite iranien, restent indélogeables de Sanaa. De même qu’ils gardent le contrôle de l’essentiel du nord du pays depuis qu’ils ont lancé leur offensive en 2014 depuis leur fief de Saada (nord).
Loin de vouloir désarmer, ils ont même tenté à plusieurs reprises de porter le combat sur le sol saoudien, en tentant des incursions dans le sud du royaume wahhabite. Résultat, quelque 100 militaires et civils ont été tués du côté saoudien depuis le début de l'intervention de la coalition.
Sur le plan politique, les Houthis font également bloc avec leurs alliés, avec lesquels ils ont formé, fin juillet, un "Conseil supérieur" pour gouverner le Yémen. Leur objectif ? "Rassembler les efforts en vue de faire face à l'agression menée par l'Arabie saoudite et ses alliés".
Une initiative unilatérale dénoncée à la fois par le pouvoir yéminite comme étant la preuve que les Houthis cherchent à faire capoter les pourparlers de paix, et par le médiateur de l'ONU, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui a estimé que cette annonce représentait "une grave violation" de la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU pour la paix au Yémen. Une résolution qui appelle les rebelles à se retirer de la capitale yéménite et à rendre les armes lourdes.
Une exigence que les Houthis refusent d’entendre. De leur point de vue, tout accord de paix doit prévoir un président consensuel et un gouvernement d'union nationale. Soit un partage du pouvoir en bonne et due forme avant de sceller toute entente sur des arrangements militaires et de sécurité. Sans compter qu’ils réclament aussi l'arrêt total des raids de l'aviation de la coalition arabe, la levée du blocus et la levée des sanctions infligées à certains de leurs dirigeants et alliés, dont l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Des discussions de paix stériles, une guerre dévastatrice sans fin sur fond de tensions régionales entre chiites et sunnites, des groupes jihadistes qui profitent de l’anarchie pour gagner du terrain, une crise humanitaire rampante… Toutes les conditions sont réunies pour que le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, s’enfonce à court terme un peu plus dans le chaos.