vendredi 26 août 2016

La paix s’éloigne au Yémen, tandis que l’Arabie saoudite s’enlise dans le conflit

© Abdullah al-Qadry, AFP | Sanaa est depuis septembre 2014 aux mains des milices chiites Houthis, que combat la coalition saoudienne depuis mars 2015.
Texte par Marc DAOU 
Dernière modification : 10/08/2016

Alors que les pourparlers de paix entre les belligérants yéménites ont débouché sur un échec le 6 août, un nouveau cycle de violences a éclaté au Yémen où les Houthis tiennent tête aux forces loyalistes et à la coalition arabe pilotée par Riyad.

Le Yémen est plus que jamais dans l’impasse, après 16 mois d’une guerre sans merci qui a fait 6 400 morts et plus de 2,8 millions de déplacés depuis mars 2015. Les négociations de paix entre les belligérants yéménites, entamées en avril au Koweït, sous l’égide des Nations unies, ont abouti à un échec le 6 août, après le rejet d'une proposition de l’ONU par les rebelles houthis. Toutefois, les deux parties ont accepté de reprendre langue dans un mois, dans un lieu qui reste à déterminer.
Sans surprise, ce scénario a replongé le pays dans un nouveau cycle de violences alors qu’un semblant d’accalmie, aussi relatif que fragile, s’était de facto installé entre les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenues par une coalition militaire arabe pilotée par Riyad, aux rebelles chiites houthis, alliés à l'ex-chef de l'État yéménite, Ali Abdallah Saleh.
Le 9 août, la coalition arabe a mené, pour la première fois en plus de trois mois, des raids aériens sur la région de Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis depuis janvier 2015, entraînant la fermeture de l'aéroport international.
Une escalade n’est pas à exclure dans les prochains jours, bien que les deux parties semblent avoir entériné le fait que seule une solution politique inter-yeménite mettra un terme à la guerre.
Riyad a terni son image
Pourtant, au moment de lancer leur opération militaire au Yémen en mars 2015, l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe, appuyés par l'Égypte, la Jordanie et le Soudan, pensaient faire reculer, voire vaincre, les Houthis. En vain.
Malgré la multiplication des raids aériens, des opérations au sol et la mise en place d’un blocus maritime et aérien, Riyad s’est enlisé. Aucun succès militaire à même de faire clairement basculer le conflit en faveur de son allié, le président Hadi, n’a été enregistré par la coalition.
Son image a même été ternie après que l’ONU l’a ajoutée sur sa liste noire de pays et organisations violant les droits des enfants. Le secrétaire général des Nations unies avait personnellement accusé l’Arabie saoudite d’être responsable de la mort de centaines de mineurs au Yémen, avant de faire marche arrière et de retirer, sous la pression, le pays de la liste.
D’aucuns estiment même que les Saoudiens chercheraient à se sortir de cette spirale négative. "L’Arabie saoudite veut en finir avec cette guerre (…). Mais il semble que Riyad ne sache pas comment s’y prendre (…)", a indiqué une source diplomatique au journal Le Monde.
Des rebelles qui font bloc
De leur côté, les rebelles, accusés par la coalition d’être soutenus et armés par le grand rival chiite iranien, restent indélogeables de Sanaa. De même qu’ils gardent le contrôle de l’essentiel du nord du pays depuis qu’ils ont lancé leur offensive en 2014 depuis leur fief de Saada (nord).
Loin de vouloir désarmer, ils ont même tenté à plusieurs reprises de porter le combat sur le sol saoudien, en tentant des incursions dans le sud du royaume wahhabite. Résultat, quelque 100 militaires et civils ont été tués du côté saoudien depuis le début de l'intervention de la coalition.
Sur le plan politique, les Houthis font également bloc avec leurs alliés, avec lesquels ils ont formé, fin juillet, un "Conseil supérieur" pour gouverner le Yémen. Leur objectif ? "Rassembler les efforts en vue de faire face à l'agression menée par l'Arabie saoudite et ses alliés".
Une initiative unilatérale dénoncée à la fois par le pouvoir yéminite comme étant la preuve que les Houthis cherchent à faire capoter les pourparlers de paix, et par le médiateur de l'ONU, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui a estimé que cette annonce représentait "une grave violation" de la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU pour la paix au Yémen. Une résolution qui appelle les rebelles à se retirer de la capitale yéménite et à rendre les armes lourdes.
Une exigence que les Houthis refusent d’entendre. De leur point de vue, tout accord de paix doit prévoir un président consensuel et un gouvernement d'union nationale. Soit un partage du pouvoir en bonne et due forme avant de sceller toute entente sur des arrangements militaires et de sécurité. Sans compter qu’ils réclament aussi l'arrêt total des raids de l'aviation de la coalition arabe, la levée du blocus et la levée des sanctions infligées à certains de leurs dirigeants et alliés, dont l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Des discussions de paix stériles, une guerre dévastatrice sans fin sur fond de tensions régionales entre chiites et sunnites, des groupes jihadistes qui profitent de l’anarchie pour gagner du terrain, une crise humanitaire rampante… Toutes les conditions sont réunies pour que le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, s’enfonce à court terme un peu plus dans le chaos.
 

La paix s’éloigne au Yémen, tandis que l’Arabie saoudite s’enlise dans le conflit

© Abdullah al-Qadry, AFP | Sanaa est depuis septembre 2014 aux mains des milices chiites Houthis, que combat la coalition saoudienne depuis mars 2015.
Texte par Marc DAOU 
Dernière modification : 10/08/2016

Alors que les pourparlers de paix entre les belligérants yéménites ont débouché sur un échec le 6 août, un nouveau cycle de violences a éclaté au Yémen où les Houthis tiennent tête aux forces loyalistes et à la coalition arabe pilotée par Riyad.

Le Yémen est plus que jamais dans l’impasse, après 16 mois d’une guerre sans merci qui a fait 6 400 morts et plus de 2,8 millions de déplacés depuis mars 2015. Les négociations de paix entre les belligérants yéménites, entamées en avril au Koweït, sous l’égide des Nations unies, ont abouti à un échec le 6 août, après le rejet d'une proposition de l’ONU par les rebelles houthis. Toutefois, les deux parties ont accepté de reprendre langue dans un mois, dans un lieu qui reste à déterminer.
Sans surprise, ce scénario a replongé le pays dans un nouveau cycle de violences alors qu’un semblant d’accalmie, aussi relatif que fragile, s’était de facto installé entre les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenues par une coalition militaire arabe pilotée par Riyad, aux rebelles chiites houthis, alliés à l'ex-chef de l'État yéménite, Ali Abdallah Saleh.
Le 9 août, la coalition arabe a mené, pour la première fois en plus de trois mois, des raids aériens sur la région de Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis depuis janvier 2015, entraînant la fermeture de l'aéroport international.
Une escalade n’est pas à exclure dans les prochains jours, bien que les deux parties semblent avoir entériné le fait que seule une solution politique inter-yeménite mettra un terme à la guerre.
Riyad a terni son image
Pourtant, au moment de lancer leur opération militaire au Yémen en mars 2015, l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe, appuyés par l'Égypte, la Jordanie et le Soudan, pensaient faire reculer, voire vaincre, les Houthis. En vain.
Malgré la multiplication des raids aériens, des opérations au sol et la mise en place d’un blocus maritime et aérien, Riyad s’est enlisé. Aucun succès militaire à même de faire clairement basculer le conflit en faveur de son allié, le président Hadi, n’a été enregistré par la coalition.
Son image a même été ternie après que l’ONU l’a ajoutée sur sa liste noire de pays et organisations violant les droits des enfants. Le secrétaire général des Nations unies avait personnellement accusé l’Arabie saoudite d’être responsable de la mort de centaines de mineurs au Yémen, avant de faire marche arrière et de retirer, sous la pression, le pays de la liste.
D’aucuns estiment même que les Saoudiens chercheraient à se sortir de cette spirale négative. "L’Arabie saoudite veut en finir avec cette guerre (…). Mais il semble que Riyad ne sache pas comment s’y prendre (…)", a indiqué une source diplomatique au journal Le Monde.
Des rebelles qui font bloc
De leur côté, les rebelles, accusés par la coalition d’être soutenus et armés par le grand rival chiite iranien, restent indélogeables de Sanaa. De même qu’ils gardent le contrôle de l’essentiel du nord du pays depuis qu’ils ont lancé leur offensive en 2014 depuis leur fief de Saada (nord).
Loin de vouloir désarmer, ils ont même tenté à plusieurs reprises de porter le combat sur le sol saoudien, en tentant des incursions dans le sud du royaume wahhabite. Résultat, quelque 100 militaires et civils ont été tués du côté saoudien depuis le début de l'intervention de la coalition.
Sur le plan politique, les Houthis font également bloc avec leurs alliés, avec lesquels ils ont formé, fin juillet, un "Conseil supérieur" pour gouverner le Yémen. Leur objectif ? "Rassembler les efforts en vue de faire face à l'agression menée par l'Arabie saoudite et ses alliés".
Une initiative unilatérale dénoncée à la fois par le pouvoir yéminite comme étant la preuve que les Houthis cherchent à faire capoter les pourparlers de paix, et par le médiateur de l'ONU, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui a estimé que cette annonce représentait "une grave violation" de la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU pour la paix au Yémen. Une résolution qui appelle les rebelles à se retirer de la capitale yéménite et à rendre les armes lourdes.
Une exigence que les Houthis refusent d’entendre. De leur point de vue, tout accord de paix doit prévoir un président consensuel et un gouvernement d'union nationale. Soit un partage du pouvoir en bonne et due forme avant de sceller toute entente sur des arrangements militaires et de sécurité. Sans compter qu’ils réclament aussi l'arrêt total des raids de l'aviation de la coalition arabe, la levée du blocus et la levée des sanctions infligées à certains de leurs dirigeants et alliés, dont l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Des discussions de paix stériles, une guerre dévastatrice sans fin sur fond de tensions régionales entre chiites et sunnites, des groupes jihadistes qui profitent de l’anarchie pour gagner du terrain, une crise humanitaire rampante… Toutes les conditions sont réunies pour que le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, s’enfonce à court terme un peu plus dans le chaos.
 

Yémen : 10 enfants tués dans un raid aérien de la coalition arabe, selon MSF

© Mohammed Huwais, AFP | Dessin sur un mur de Sanaa dénonçant l'exploitation des enfants dans la guerre civile qui frappe le Yémen.
Texte par FRANCE 24 
Dernière modification : 14/08/2016

Un raid aérien mené par la coalition arabe contre une école coranique au Yémen a tué 10 enfants, samedi, selon Médecins sans frontières. Depuis la suspension des pourparlers de paix la semaine dernière, les violences s'intensifient.

Dix enfants ont été tués au Yémen par des raids aériens de la coalition arabe sunnite menée par l'Arabie saoudite sur une école située dans une zone contrôlée par les rebelles Houthis, a indiqué l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF), dimanche 14 août.
"Nous avons vu 10 enfants morts et 28 blessés, tous âgés de moins de 15 ans et victimes de frappes aériennes sur une école coranique à Haydan", dans le nord du Yémen, a indiqué une porte-parole de MSF, Malak Shaher, en précisant que le bombardement avait eu lieu samedi.
"Crime haineux"
L'Unicef a confirmé qu'un bombardement aérien avait touché cette école dans le nord du Yémen, tuant plusieurs enfants âgés de six à 14 ans. "En raison de l'intensification des violences au Yémen la semaine passée, le nombre d'enfants tués ou blessés dans des bombardements aériens ou par l'explosion de mines a augmenté de manière significative", a déploré l'agence de l'ONU pour l'enfance.
Un porte-parole des rebelles houthis, Mohammed Abdelsalam, a posté sur Facebook des images et des vidéos montrant des enfants morts enveloppés dans des couvertures, dénonçant un "crime haineux".
Le conflit au Yémen a fait plus de 6 400 morts et les violences se sont intensifiées depuis la suspension la semaine dernière des pourparlers de paix tenus sans succès au Koweït. Samedi à Sanaa, la capitale, les rebelles chiites ont convoqué le Parlement au mépris du gouvernement reconnu par la communauté internationale. Quelques jours plus tôt, ils avaient rejeté un plan de paix proposé par l'ONU visant à mettre fin à la guerre qui ravage le pays.
Depuis mars 2015, une coalition sous commandement saoudien mène une campagne de bombardements pour soutenir le gouvernement de l'actuel chef de l'État Abd Rabbo Mansour Hadi contre les rebelles et leurs alliés, partisans de l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Avec AFP

Yémen : un hôpital visé par des frappes aériennes dans une zone rebelle, au moins 11 morts

© Ho, AFP | Des avions de la coalition arabe participant à des raids aériens, en avril 2015.
Texte par FRANCE 24 
Dernière modification : 15/08/2016

Un hôpital de Médecins sans frontières, dans le nord du Yémen, a été touché lundi par une frappe aérienne de la coalition arabe, alliée du pouvoir en exil. Au moins onze personnes sont mortes, dont un membre de MSF.

Deux jours après un raid aérien mené par la coalition arabe contre une école coranique au Yémen, c’est un hôpital dans le nord du pays qui a été touché lundi 15 août. Au moins 11 personnes sont mortes, dont un membre de l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF), qui travaille depuis 2015 dans cet établissement de la ville d’Abs.
"L'explosion a tué sur le coup neuf personnes, dont un membre du personnel de MSF, et deux autres patients sont morts lors de leur transfert" vers un autre hôpital, a indiqué dans un communiqué l'organisation. Plus tôt dans la journée, MSF avait annoncé sur son compte Twitter que l'hôpital "avait été la cible de raids à 15 h 45 locales (12 h 45 GMT)".
BREAKING:  MSF-supported hospital was hit by airstrikes at 15:45. We are assessing the situation. Number of casualties still unknown.
Amnesty International a déploré ces raids contre l'hôpital "qui ont fait des victimes parmi les civils et le personnel médical". "Cibler intentionnellement des installations médicales est une violation sérieuse du droit humanitaire, qui pourrait constituer un crime de guerre", a-t-elle souligné en réclamant une enquête.
Les États-Unis ont également dénoncé ces frappes au Yémen, mais sans condamner explicitement la coalition arabe pilotée par l'Arabie saoudite et que Washington soutient. "Nous sommes profondément préoccupés par des informations concernant une frappe sur un hôpital dans le nord du Yémen [...]. Les frappes sur des infrastructures humanitaires, notamment des hôpitaux sont particulièrement inquiétantes", a dénoncé la porte-parole du département d'État Elizabeth Trudeau.
Des raids ciblés sur le nord du pays
Les raids de ces derniers jours ont eu lieu dans le nord du pays, dans des zones contrôlées par les rebelles houthis qui, alliés avec des soldats restés fidèles à l'ancien chef de l'État Ali Abdallah Saleh, se disputent le pouvoir avec le président Abd Rabbo Mansour Hadi depuis 2014.
Abs, ville où se trouve l'hôpital visé, se trouve à la lisière d'Harad, à la frontière avec l'Arabie saoudite. C'est à partir là que les rebelles yéménites ont souvent bombardé des régions du royaume voisin, faisant des victimes.
Des sources militaires progouvernementales ont indiqué que des véhicules militaires avaient transféré de Harad des blessés rebelles à l'hôpital d'Abs, laissant entendre que les raids avaient visé l'établissement pour cette raison.
Une enquête ouverte
Samedi, les raids avaient touché une école à Saada, une autre province du Nord aux mains des rebelles, tuant dix enfants. La coalition a nié être à l'origine du bombardement de cet établissement et affirmé avoir visé un camp d'entraînement où les rebelles formaient selon elle des enfants soldats.
Après un appel en ce sens de Ban Ki-moon, la coalition arabe a toutefois annoncé l'ouverture d'une enquête sur ce bombardement, qui sera "indépendante et conforme aux normes internationales". La coalition et l'Arabie saoudite sont régulièrement accusées de "bavures" contre des civils et notamment contre des enfants.
Originaires du nord du Yémen, les Houthis se sont soulevés contre le pouvoir de M. Hadi en 2014, s'emparant de vastes portions de territoire, dont la capitale Sanaa. En mars 2015, l'Arabie saoudite sunnite voisine, qui accuse les Houthis de liens avec le rival iranien chiite, a pris la tête d'une coalition militaire arabe pour freiner la progression des rebelles en menant des bombardements aériens et des combats au sol. Depuis, cette guerre a fait plus de 6 400 morts et 30 000 blessés, dont de nombreux civils.
Avec AFP