vendredi 20 mai 2016

Un redoutable diplomate
De tous les présidents algériens, Abdelaziz Bouteflika aura eu la plus grande longévité à la tête de la République algérienne démocratique et populaire. Cinquième chef de l'Etat depuis l'indépendance du pays en juillet 1962 (Mohamed Boudiaf, assassiné en juin 1992, n'a présidé que quelques mois un Haut Comité d'Etat), M. Bouteflika est parvenu au pouvoir en 1999 dans la foulée d'une carrière bien remplie.

Né le 2 mars 1937 à Oujda, au Maroc, Abdelaziz Bouteflika, issu d'une fratrie de cinq frères, une soeur et de trois demi-soeurs, fait ses études quand la guerre d'indépendance éclate. Il rejoint à l'âge de 19 ans, en 1956, l'Armée de libération nationale (ALN), la branche armée du Front de libération nationale (FLN) organisée en zones de combat appelées wilaya. La sienne, la wilaya 5, est la plus vaste, qui couvre tout l'ouest du pays et sera commandée, en 1958, par un certain Houari Boumédiène, dont il deviendra le secrétaire particulier. Des liens se forment au sein de ce que certains historiens ont appelé le « clan d'Oujda », un groupe politico-militaire formé à partir d'une petite communauté d'Algériens installés au Maroc depuis le XIXe siècle ou liée par l'armée des frontières (communauté dont faisait également partie Ahmed Ben Bella).

A peine la guerre finie, Abdelaziz Bouteflika devient, en 1962, député à l'Assemblée constituante puis, à l'âge de 25 ans, ministre de la jeunesse, des sports et du tourisme, ce qui en fait le plus jeune membre du gouvernement. Un an plus tard, il est nommé ministre des affaires étrangères, d'abord par intérim, puis pleinement. Un poste qu'il occupera seize années durant, à une époque où l'Algérie, à la tête des pays non alignés, se fait le porte-parole du tiers-monde. En 1974, il est élu président de la 29e session de l'Assemblée générale des Nations unies. Dès cette époque, il acquiert une réputation de redoutable et habile interlocuteur.

Un an plus tard survient le fameux épisode des négociations, dans un salon VIP de l'aéroport d'Alger, entre Abdelaziz Bouteflika et Carlos. Le 21 décembre 1975, un groupe d'hommes armés conduit par Illitch Ramirez Sanchez, dit Carlos, prend d'assaut, à Vienne, en Autriche, l'immeuble qui abrite l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avant de s'enfuir, à bord d'un DC9, avec 42 otages, dont onze ministres du pétrole. L'appareil se pose à Alger le 22 décembre et c'est Abdelaziz Bouteflika qui mènera en personne les discussions avec Carlos. Ce dernier libère immédiatement le ministre du pétrole algérien, puis trente autres otages. Il repart avec son commando et les derniers otages vers Tripoli, puis Tunis, mais les régimes libyen et tunisien se montrant nettement moins conciliants, le DC9 retourne à Alger. Au terme d'ultimes négociations, tous les otages sont libérés le 23 décembre. Une luxueuse villa à Alger est mise à la disposition de Carlos pendant deux semaines avant qu'il ne soit obligé de quitter le territoire. Révélé par WikiLeaks, un câble de l'ambassadeur américain en poste à Alger en 1975, Richard Bordeaux Parker, qui s'appuie sur des commentaires de son homologue autrichien, évoque une gestion de la crise « efficace, détendue et cool ». La biographie officielle du président Bouteflika ne fait aucune mention de cette affaire.

Le ministre des affaires étrangères qu'il est alors paraît au faîte de sa puissance. Mais la disparition trois plus tard, en 1978, de son protecteur, Houari Boumédiène, signe la fin d'une période. Le militaire putschiste parvenu à la tête de l'Etat algérien en 1965 avait été élu en 1976. M. Bouteflika lui rendra un vibrant hommage lors de ses funérailles. Bien que confirmé dans ses fonctions par le nouveau président, Chadli Bendjedid, il sera peu à peu écarté du pouvoir, qu'il quitte en 1981. La Cour des comptes le poursuit pour malversation financière et détournement de fonds, qui sera évalué à l'époque à « plus de 6 milliards de centimes » (environ 3 millions de francs). Il s'exilera durant six années. Là encore, sa biographie officielle n'en dit mot, préférant indiquer qu'il « devient [dès 1978], la principale cible de la politique de ‘déboumédiénisation’ et est contraint à un exil qui durera plus de six ans ». Une retraite forcée qu'il effectuera en grande partie en Suisse, avec de nombreux allers et retours en France.

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