Un redoutable diplomate
De tous les présidents algériens, Abdelaziz Bouteflika aura eu la plus
grande longévité à la tête de la République algérienne démocratique et
populaire. Cinquième chef de l'Etat depuis l'indépendance du pays en
juillet 1962 (Mohamed Boudiaf, assassiné en juin 1992, n'a présidé que
quelques mois un Haut Comité d'Etat), M. Bouteflika est parvenu au
pouvoir en 1999 dans la foulée d'une carrière bien remplie.
Né le 2 mars 1937 à Oujda, au Maroc, Abdelaziz Bouteflika, issu d'une
fratrie de cinq frères, une soeur et de trois demi-soeurs, fait ses
études quand la guerre d'indépendance éclate. Il rejoint à l'âge de 19
ans, en 1956, l'Armée de libération nationale (ALN), la branche armée du
Front de libération nationale (FLN) organisée en zones de combat
appelées wilaya. La sienne, la wilaya 5, est la plus vaste, qui
couvre tout l'ouest du pays et sera commandée, en 1958, par un certain
Houari Boumédiène, dont il deviendra le secrétaire particulier. Des
liens se forment au sein de ce que certains historiens ont appelé le «
clan d'Oujda », un groupe politico-militaire formé à partir d'une petite
communauté d'Algériens installés au Maroc depuis le XIXe siècle ou liée
par l'armée des frontières (communauté dont faisait également partie
Ahmed Ben Bella).
A peine la guerre finie, Abdelaziz Bouteflika devient, en 1962, député
à l'Assemblée constituante puis, à l'âge de 25 ans, ministre de la
jeunesse, des sports et du tourisme, ce qui en fait le plus jeune membre
du gouvernement. Un an plus tard, il est nommé ministre des affaires
étrangères, d'abord par intérim, puis pleinement. Un poste qu'il
occupera seize années durant, à une époque où l'Algérie, à la tête des
pays non alignés, se fait le porte-parole du tiers-monde. En 1974, il
est élu président de la 29e session de l'Assemblée générale des Nations
unies. Dès cette époque, il acquiert une réputation de redoutable et
habile interlocuteur.
Un an plus tard survient le fameux épisode des négociations, dans un
salon VIP de l'aéroport d'Alger, entre Abdelaziz Bouteflika et Carlos.
Le 21 décembre 1975, un groupe d'hommes armés conduit par Illitch
Ramirez Sanchez, dit Carlos, prend d'assaut, à Vienne, en Autriche,
l'immeuble qui abrite l'Organisation des pays exportateurs de pétrole
(Opep) avant de s'enfuir, à bord d'un DC9, avec 42 otages, dont onze
ministres du pétrole. L'appareil se pose à Alger le 22 décembre et c'est
Abdelaziz Bouteflika qui mènera en personne les discussions avec
Carlos. Ce dernier libère immédiatement le ministre du pétrole algérien,
puis trente autres otages. Il repart avec son commando et les derniers
otages vers Tripoli, puis Tunis, mais les régimes libyen et tunisien se
montrant nettement moins conciliants, le DC9 retourne à Alger. Au terme
d'ultimes négociations, tous les otages sont libérés le 23 décembre. Une
luxueuse villa à Alger est mise à la disposition de Carlos pendant deux
semaines avant qu'il ne soit obligé de quitter le territoire. Révélé
par WikiLeaks, un câble de l'ambassadeur américain en poste à Alger en
1975, Richard Bordeaux Parker, qui s'appuie sur des commentaires de son
homologue autrichien, évoque une gestion de la crise « efficace, détendue et cool ». La biographie officielle du président Bouteflika ne fait aucune mention de cette affaire.
Le ministre des affaires étrangères qu'il est alors paraît au faîte de
sa puissance. Mais la disparition trois plus tard, en 1978, de son
protecteur, Houari Boumédiène, signe la fin d'une période. Le militaire
putschiste parvenu à la tête de l'Etat algérien en 1965 avait été élu en
1976. M. Bouteflika lui rendra un vibrant hommage lors de ses
funérailles. Bien que confirmé dans ses fonctions par le nouveau
président, Chadli Bendjedid, il sera peu à peu écarté du pouvoir, qu'il
quitte en 1981. La Cour des comptes le poursuit pour malversation
financière et détournement de fonds, qui sera évalué à l'époque à « plus de 6 milliards de centimes
» (environ 3 millions de francs). Il s'exilera durant six années. Là
encore, sa biographie officielle n'en dit mot, préférant indiquer qu'il «
devient [dès 1978], la principale cible de la politique de ‘déboumédiénisation’ et est contraint à un exil qui durera plus de six ans ». Une retraite forcée qu'il effectuera en grande partie en Suisse, avec de nombreux allers et retours en France.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire