« Le statut des dhimmis ne peut être jugé à l’aune des droits de l’homme ! »
Dominique
Avon est historien, spécialiste de l’islam. « Le Monde des livres » lui
a demandé quel crédit accorder à l’œuvre de Bat Ye’or.
LE MONDE DES LIVRES
|
• Mis à jour le
|
Propos recueillis par Jean Birnbaum
Directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, à Paris,
l’historien Dominique Avon travaille notamment sur le destin comparé des
idées et des doctrines de l’islam et du christianisme dans les sociétés
contemporaines. Parmi ses publications, il faut citer Le Hezbollah. De la doctrine à l’action, une histoire du « Parti de Dieu » (avec Anaïs-Trissa Khatchadourian, Seuil, 2010). Plus récemment, il a dirigé un ouvrage collectif intitulé Faire autorité. Les religions dans le temps long et face à la modernité (PUR, 2017).
Envisager le passé à la lumière des droits élaborés entre le XVIIIe et le XIXe siècle, c’est un non-sens : le statut des dhimmis ne peut être jugé à l’aune des droits de l’homme ! En revanche, constater que des savants musulmans œuvrent depuis deux générations à l’intégration de principes religieux qui ont un millénaire, c’est une vraie question : la loi qu’ils attribuent à Dieu est censée avoir fixé l’idéal d’une relation de tolérance fondée sur la protection-domination.
Cette attitude fait le succès de l’interpellation de Bat Ye’or dans certains milieux, puisqu’elle dit en substance : « Voilà le vrai visage de l’islam. » Elle ignore les débats internes aux milieux musulmans.
En tant qu’historien qui étudie le temps long des
religions tout en gardant toujours un œil sur l’actualité, que
pensez-vous des textes de Bat Ye’or ?
Depuis Eurabia, Bat Ye’or verse dans un registre outrancier
en présentant le schéma d’une incompatibilité de nature entre islam et
monde judéo-chrétien, au lieu d’historiciser la montée en puissance d’un
courant intégral au sein des milieux musulmans depuis les années 1960.
Au Moyen Age, aucun régime politico-religieux ne traitait de manière
égalitaire les « minorités » juridiques, pas plus au sud qu’au nord de
la Méditerranée.Envisager le passé à la lumière des droits élaborés entre le XVIIIe et le XIXe siècle, c’est un non-sens : le statut des dhimmis ne peut être jugé à l’aune des droits de l’homme ! En revanche, constater que des savants musulmans œuvrent depuis deux générations à l’intégration de principes religieux qui ont un millénaire, c’est une vraie question : la loi qu’ils attribuent à Dieu est censée avoir fixé l’idéal d’une relation de tolérance fondée sur la protection-domination.
Cette attitude fait le succès de l’interpellation de Bat Ye’or dans certains milieux, puisqu’elle dit en substance : « Voilà le vrai visage de l’islam. » Elle ignore les débats internes aux milieux musulmans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire