mardi 20 mars 2018

Victor Bérard

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Victor Bérard
Archéologue
Image illustrative de l'article Victor Bérard
Victor Bérard, sénateur du Jura, devant l'entrée du Sénat (1920)
Naissance
Morez
Décès (à 67 ans)
Paris
Nationalité Drapeau de la France France
Victor Bérard, né le 10 août 1864 à Morez (Jura) et mort le 13 novembre 1931 à Paris, est un helléniste, diplomate et homme politique français. Il est surtout connu pour sa traduction de l'Odyssée d'Homère, ainsi que pour ses tentatives de reconstitution des voyages d'Ulysse.

Sommaire


Biographie

Fils de Jean Baptiste Bérard, pharmacien à Morez, son frère cadet, Léon Bérard, professeur à la faculté de médecine de Lyon, était un cancérologue réputé.
Victor Bérard est élève à l’École normale supérieure de 1884 à 1887, puis devient membre de l’École française d'Athènes de 1887 à 1890. À ce titre, il fait de nombreux séjours dans l’Empire ottoman et s'inquiète de la condition des Arméniens et de la protection des minorités chrétiennes dans cet État, alors dirigé par le sultan Abdülhamid II. Sa thèse de doctorat porte sur les cultes d'Arcadie et leur genèse. Il a enseigné la géographie de 1896 à 1914 à l'École supérieure de marine et à l'École pratique des hautes études. Sénateur du Jura de 1920 à 1931, il fut président de la commission des affaires étrangères du Sénat jusqu’en 1929.

Ouvrage

Par sa traduction en prose rythmée de l’Odyssée, il apporta une contribution significative à la renaissance de la philologie en France au sein de l'Association Guillaume Budé.
Inspiré par la réussite exceptionnelle de Heinrich Schliemann en archéologie, il entreprit de retrouver, par une reconstitution des conditions de navigation anciennes, les rivages de Méditerranée fréquentés par Ulysse, le héros d'Homère, utilisant pour cela son propre bateau, en suivant les indications données dans l’Odyssée.

Critiques de ses recherches sur l'Odyssée

Si les recherches, les hypothèses et les idées de Bérard sur l'Odyssée sont toujours stimulantes et plausibles, ses démonstrations ont fait l'objet de critiques depuis des décennies compte tenu des connaissances acquises depuis sur la Grèce archaïque, mettant en évidence l'anachronisme des méthodes du traducteur de l'Odyssée. Ainsi, Bérard utilisa son propre navire pour reconstituer le périple d'Ulysse, un navire évidemment moderne et utilisant des techniques inconnues des Grecs de l'Antiquité. En outre, lorsqu'il cherche à localiser des détails aussi précis que la grotte de Calypso, Bérard part du postulat qu'Homère n'a rien inventé et n'a décrit que des lieux réels, ce qui est discutable. Malgré tout, « son nom reste attaché, observe Jean-Pierre Thiollet dans Je m'appelle Byblos, aux recherches de « géographie odysséenne », dans lesquelles il s'est efforcé, avec plus ou moins de bonheur, d'identifier les sites décrits par Homère1. »
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Œuvres

L’Algérie accélère les expulsions de migrants subsahariens dans le désert

En quelques semaines, des centaines de personnes ont été arrêtées pour être emmenées aux frontières avec le Niger et le Mali.
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Des migrants africains sous le pont d’une autoroute en banlieue d’Alger, en juin 2017.

Depuis le début de l’année, Alger a expulsé plusieurs centaines de migrants subsahariens à ses frontières sud, confirmant le durcissement de sa politique migratoire. Entre le 3 et le 13 février, plus de 500 personnes ont ainsi été expulsées à la frontière avec le Niger. Arrêtées dans différentes villes algériennes, elles ont été emmenées à Tamanrasset, à 1 800 km au sud d’Alger, où elles ont été retenues dans un camp de préfabriqués pendant plusieurs jours avant d’être emmenées dans des camions jusqu’à la frontière.

L’Algérie et le Niger se sont mis d’accord en 2014 pour qu’Alger organise l’arrestation et l’expulsion de migrants nigériens qui mendient dans les différentes villes du pays. Selon les autorités algériennes, ces hommes, femmes et enfants sont utilisés par un réseau bien organisé, proche des réseaux de trafic et de terrorisme.
Pourtant, depuis décembre 2016, les arrestations concernent également les migrants de différents pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, de plus en plus nombreux dans les groupes d’expulsés. A tel point que le 21 février, en visite à Agadez, le ministre nigérien de l’intérieur a dénoncé les expulsions sur son territoire de ressortissants d’autres pays que le sien.
« Nous avons eu de longues discussions avec les autorités algériennes, à l’occasion desquelles nous leur avons demandé de ne plus nous renvoyer de migrants du Mali, de Guinée et d’autres pays », a déclaré Mohamed Bazoum aux journalistes présents. Ce jour-là, dans le centre de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de cette ville du nord du Niger, il y avait 770 non-Nigériens expulsés d’Algérie.

Attaqués par des groupes armés

Un autre élément montre qu’Alger a accéléré sa politique d’expulsion. Le 1er mars, les forces de l’ordre ont interpellé plusieurs dizaines d’hommes dans la ville de Ghardaïa, à 600 km au sud d’Alger. Selon les témoignages, la plupart étaient des ouvriers. Ces hommes ont été conduits à la frontière malienne, à proximité de la ville algérienne de Bordj Badji Mokhtar. Ils affirment avoir marché près de six heures dans le désert.
Les 6 et 7 mars, 125 hommes sont finalement arrivés dans la ville de Gao, dans le nord-est Mali. La plupart étaient de nationalité malienne, les autres venaient de différents pays d’Afrique de l’Ouest. Selon un communiqué de Human Rights Watch (HRW), ils ont été attaqués à plusieurs reprises par des groupes armés sur la route. Certains d’entre eux font partie des quelques dizaines de manifestants qui, le 12 mars, ont violemment protesté devant l’ambassade d’Algérie à Bamako.
Dans le même temps, les expulsions continuaient à la frontière nigérienne. Le 4 mars, Matias Meier, directeur du programme d’International Rescue Committee au Niger, a annoncé l’arrivée à Agadez de 1 000 migrantes expulsées d’Algérie. Et le 15 mars, le responsable de la mission de l’OIM au Niger a déclaré que 369 migrants, « principalement des Maliens et des Guinéens », ont été secourus à la frontière. Ils sont « en colère », « apeurés » et, pour certains, « traumatisés ».

Premières arrestations à Oran

Côté algérien, les arrestations ne faiblissent pas. Entre le 7 et le 11 mars, plusieurs dizaines de migrants ont été arrêtés sur différents chantiers de la capitale. Certains travaillaient sur des immeubles du quartier chic de Sidi Yahia et des logements sociaux construits par une entreprise turque dans la banlieue ouest. « Il faisait nuit, la police est entrée sur le chantier et a arrêté une vingtaine de personnes qui dormaient », explique un migrant employé par l’entreprise turque. « Des policiers, matraque à la main, pourchassaient des hommes en tenue de chantier dans la rue », affirme une jeune femme qui a assisté à une arrestation. Au total, dans la capitale, 280 personnes ont été arrêtées, dont des mineurs, selon les associations.
Enfin, pour la première fois, samedi 17 mars, des interpellations ont eu lieu à Oran, la seconde ville du pays. « Vers 5 heures du matin, les forces de l’ordre ont déboulé dans nos habitations, témoigne un migrant ivoirien qui demande à rester anonyme. Ils nous ont demandé nos papiers. Ils cherchaient des Nigériens. » Le 8 mars, pourtant, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le wali (préfet) d’Oran était apparu à la télévision d’Etat, accompagné du Croissant-Rouge algérien, distribuant des roses et des couvertures à des migrantes nigériennes.

Côte d’Ivoire : colère des producteurs de café, bloqués au port d’Abidjan

© Sia Kambou, AFP | Longue queue de camions chargés de sacs de café prêts à l’exportation mais bloqués au port d’Abidjan, le 8 mars 2018.
Texte par Rémi CARLIER
Dernière modification : 20/03/2018

Depuis fin février, des milliers de tonnes de café ivoirien sont bloqués à Abidjan. Selon de récentes révélations, cette situation résulte de négociations sur les tarifs douaniers entre la Côte d'Ivoire et l’Algérie, premier consommateur d’Afrique.

Une longue file de 400 camions, parqués sur les trottoirs de la zone portuaire d’Abidjan. Des chauffeurs, contraints de surveiller leurs marchandises, dorment à proximité depuis des semaines. Depuis début février, des milliers de tonnes de café sont bloquées à l’entrée du port autonome. Selon un opérateur économique du milieu joint par l’AFP début mars, les exportations sont gelées faute d’autorisation d’exportation du Conseil du café-cacao (CCC), autorité ivoirienne chargée d’organiser et contrôler la commercialisation du café, dont la Côte d’Ivoire est le troisième producteur africain.
Injoignable mardi 20 mars, le CCC a publié récemment un communiqué dans lequel il justifie la situation par "la baisse de fréquence des navires en destination des ports habituels d’importation du café". Les producteurs, excédés par l’attente, se sont mis en grève le 12 mars.
"Tout le monde en a marre", lance Moussa Koné, président du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (Synap-CI), qui revendique 57 000 membres de la filière. Il avait appelé à couper la route du port, mais a repoussé les manifestations après que le CCC a accepté d’entamer le dialogue. "On les a rencontrés mais on ne s’est pas entendus. Tant qu’on sera dans ce schéma d’incertitudes, on ne pourra pas mettre fin au calvaire des paysans", lâche-t-il.
>> Voir le Focus : au Mexique, les producteurs de café subissent les effets du réchauffement climatique
Selon lui, les explications du CCC ne sont pas valables. "Nous avons échangé avec le port autonome d’Abidjan. Ils étaient surpris d’entendre qu’il y a un manque de bateaux". "Il n'y a aucun problème de bateaux, ni de conteneurs", a surenchéri à RFI un acteur du transport maritime à Abidjan.
Négociations avec l'Algérie
Plusieurs théories se sont succédé pour expliquer le blocage. La plus récente, soutenue par l’hebdomadaire Jeune Afrique et RFI, présente des négociations en cours avec l’Algérie, plus gros consommateur de café du continent. Le pays maghrébin, où plus de 70 % de la production ivoirienne transite, a récemment modifié sa politique douanière, exigeant à l’entrée de son territoire la constitution d’une provision financière préalable, couvrant 120 % du montant de l’importation. "Le CCC nous a bien parlé d’un problème posé par l’Algérie, ils doivent discuter avec eux, commente Moussa Koné. Mais nous ne pouvons plus attendre". Selon Jeune Afrique, une délégation du CCC doit se rendre "prochainement" en Algérie "pour trouver une solution".
L’organe officiel de régulation de la filière affirme que des mesures ont été prises depuis le début du blocage "pour ramener la fluidité dans la commercialisation du café", notamment la mise à disposition d’entrepôts, et qu’elles ont permis de "réduire de façon significative le nombre de camions en attente de déchargement". Pourtant dans la zone portuaire de Treichville et Vridi, où se concentrent la plupart des sociétés d’exportation, le nombre de camions à l’arrêt n’a pas diminué.
Le même scénario s’est déroulé l’année dernière, quand 700 camions chargés de fèves de cacao étaient restés immobilisés plusieurs mois aux ports d’Abidjan et de San Pedro, suite à une surproduction inattendue. À l’époque, le problème venait notamment d’une différence entre le prix du cacao calculé à la Bourse de Londres et le prix de vente à l’exportation imposé par le gendarme ivoirien de la filière. Les producteurs avaient accusé des milliers de tonnes d'invendus. "On n'a pas pu payer tous nos paysans, donc on a des difficultés aujourd'hui", confie un chauffeur à RFI.
Première publication : 20/03/2018

      Sahel : Iyad Ag Ghaly, l’insaisissable ennemi public n°1

Depuis le double attentat de Ouagadougou, Iyad Ag Ghaly est le chef jihadiste le plus recherché de la région. À moins que cet ancien interlocuteur privilégié d’Alger et de Bamako ne bénéficie toujours d’une protection…
Pour la troisième fois en un peu plus de deux ans, Ouagadougou a donc été frappée en plein cœur. Cette fois, les jihadistes n’ont pas tué indistinctement des civils dans un café, un hôtel ou un restaurant de l’avenue Kwame-NKrumah, comme en janvier 2016 et août 2017, mais se sont attaqués frontalement à deux cibles symboliques et osées. Le 2 mars au matin, à quelques minutes d’intervalle, deux commandos ont pris d’assaut l’ambassade de France et l’état-major général des armées, distants de moins de deux kilomètres en centre-ville.
Dès le lendemain, cette double opération de grande envergure était revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Dans son communiqué, cet agglomérat des principales katibas jihadistes actives au Mali, affilié à Al-Qaïda et dirigé par le Malien Iyad Ag Ghaly, a affirmé avoir agi en représailles à un raid français mené le 14 février dans l’extrême Nord malien.

Protection algérienne ?

Ce jour-là, les forces spéciales françaises du dispositif Sabre, basées à Ouagadougou, avaient attaqué trois campements et « neutralisé » 23 jihadistes entre Boghassa et Tinzawatène, à seulement 900 m de la frontière algérienne.
Pour le chef du GSIM, le coup est d’autant plus dur qu’il est porté dans son fief. Touareg de la tribu des Ifoghas, Ag Ghaly est natif de la région de Boghassa. Tinzawatène se trouve à quelques dizaines de kilomètres plus à l’est. Depuis 2013, cette petite localité algérienne, collée à la frontière, est pointée du doigt par les services de renseignements français comme étant la base arrière d’Ag Ghaly.
Entre la mi-2016 et la mi-2017, les services de renseignements français n’auraient relevé qu’un seul des déplacements d’Ag Ghaly : à Kidal
À Paris, voilà longtemps que les dirigeants français, sous François Hollande comme sous Emmanuel Macron, sont convaincus que l’ancien rebelle touareg bénéficie de la protection de l’Algérie et qu’il se terre de ce côté de la frontière. Selon un haut responsable du quinquennat Hollande, Ag Ghaly, 60 ans, passerait le plus clair de son temps dans une maison de Tinzawatène en compagnie de son épouse, Anna Walet Bicha et de sa fille.
Impossible, ajoute notre interlocuteur, que cela puisse se faire sans l’accord des puissants services de sécurité algériens. « Il est malin et sait très bien que l’armée française ne peut rien tenter contre lui tant qu’il est en Algérie pour des raisons historiques évidentes », affirme notre source. Ag Ghaly serait prudent et bougerait peu. À bord d’un pick-up ou deux maximum, et souvent en compagnie de femmes ou d’enfants en guise de boucliers humains.
Quel serait l’intérêt d’Alger de protéger le jihadiste le plus recherché du Sahel ?
Entre la mi-2016 et la mi-2017, les services de renseignements français n’auraient relevé qu’un seul de ses déplacements : à Kidal, pour voir Alghabass Ag Intalla, un ex-chef touareg d’Ansar Eddine aujourd’hui à la tête du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad. Depuis le déclenchement de l’opération Serval, les Français ont monté plusieurs opérations visant à le neutraliser en territoire malien, mais toutes ont échoué.
Quel serait l’intérêt d’Alger de protéger le jihadiste le plus recherché du Sahel ? « Depuis l’attaque d’In Amenas, en janvier 2013, les Algériens ne sont pas mécontents que les attentats aient lieu ailleurs que chez eux », affirme un décideur à Paris. Avoir Iyad Ag Ghaly de leur côté permettrait aux Algériens de garder un certain contrôle sur l’extrême nord du Mali pour sécuriser leur frontière sud.

Echanges tendus

Sans oublier que les Algériens n’apprécient guère la présence de troupes françaises si près de leur territoire. Après l’opération du 14 février près de Tinzawatène, ils ont d’ailleurs protesté auprès du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
C’est peu dire que ces accusations françaises de collusion avec Ag Ghaly agacent à Alger. « C’est totalement faux de dire que nous savons où il se trouve ou que nous le protégeons, avance une source diplomatique algérienne. Nous n’arrêtons pas de dire que, si notre armée peut le tuer, elle le fera. Si les Français ont des preuves que nous savons où il se trouve ou que nous le protégeons, qu’ils les donnent ! »
En juin dernier, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, n’a d’ailleurs pas fait mystère de son agacement à son homologue français, Jean-Yves Le Drian, en visite à Alger. « Si on trouve Ag Ghaly, on l’élimine », lui a-t-il dit en substance. Un diplomate algérien renvoie la balle du côté des Français. « Le désert est immense, mais ils disposent de multiples moyens de renseignement qui pourraient leur permettre de le localiser, lâche-t-il. Quand Ag Ghaly se fait prendre la tension artérielle, ils sont au courant ! »


Lors de son déplacement à Alger, en décembre dernier, Emmanuel Macron n’a pas hésité à aborder l’épineux sujet avec Ahmed Gaïd Salah, le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major général des armées. Entre le président français et le plus haut gradé algérien, les échanges sur le chef du GSIM ont été tendus.

Tinariwen, alcool et rebellion

Côté français, nul doute que les soupçons sont nourris par la vieille relation qui unit Ag Ghaly aux autorités algériennes. Ancien proche du groupe de musique touarègue Tinariwen, cet homme, souvent décrit comme un ex-séducteur, adepte de fêtes alcoolisées et de poésie dans sa jeunesse, a longtemps vécu dans le Sud algérien.
Jusqu’à un passé récent, les Algériens pensaient qu’Ag Ghaly pouvait être un atout dans la lutte antiterroriste
Figure des dernières rébellions touarègues maliennes, il a été un acteur majeur des accords de paix entre 1991 et 2006 au Mali. Il a, à ce titre, été un interlocuteur privilégié des autorités algériennes, qui ont toujours surveillé de très près les soubresauts indépendantistes chez leurs voisins maliens.
Jusqu’à un passé récent, les Algériens pensaient qu’Ag Ghaly pouvait être un atout dans la lutte antiterroriste. « Nous pensions qu’il pouvait jouer un rôle, mais il nous a trahis », assure une source diplomatique algérienne. Bien qu’ils le soupçonnent d’avoir été de mèche avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, qui avait pris en otage sept membres du consulat d’Algérie à Gao, en avril 2012, les Algériens ont tout de même approché Ag Ghaly pour qu’il serve d’intermédiaire avec les ravisseurs. C’est ainsi qu’il séjourna à plusieurs reprises à Alger courant 2013.
« En fait, il n’a participé en aucune façon à la libération des trois derniers otages [deux avaient été relâchés en 2012], affirme un proche du dossier. Et nous avons perdu contact avec lui quand il a retourné sa veste à la fin de l’année 2013. » Depuis, les responsables algériens jurent ne plus être en lien avec le jihadiste, dont le nom figure sur les listes de personnes accusées de terrorisme par le Conseil de sécurité de l’ONU et par le département d’État américain.

Jeu ambigu de Bamako ?

À Bamako, IBK répète la même antienne : il n’a jamais été question de négocier quoi que ce soit avec ce terroriste qui a du sang malien sur les mains. Début 2017, pourtant, les services de renseignements français (notamment la DGSE) avaient la quasi-certitude que les autorités maliennes avaient pris langue avec Ag Ghaly.
Sous François Hollande, certains responsables français estimaient déjà que le pouvoir jouait un jeu ambigu avec le fondateur d’Ansar Eddine. Pour étayer leurs propos, ils citaient le nom de plusieurs personnalités soupçonnées de jouer les émissaires, comme Ahmada Ag Bibi, réputé proche d’Iyad Ag Ghaly et élu député de la circonscription d’Abeïbara sous les couleurs du Rassemblement pour le Mali (RPM, au pouvoir). Plusieurs responsables politiques bamakois sont quant à eux ouvertement favorables à un dialogue avec les jihadistes maliens, estimant qu’aucune paix ne sera possible s’ils sont exclus du processus.
Influent et craint, Ag Ghaly a aussi été longtemps un intermédiaire de choix dans les affaires de libération d’otages occidentaux
Les canaux de communication entre « Iyad » et Bamako sont-ils toujours actifs ? Les dirigeants maliens jurent que non, mais Ag Ghaly demeure un acteur incontournable dans le Nord. Il a longtemps disposé d’un important réseau dans les cercles de pouvoir, constitué au fil de ses années de rébellion, puis sous la présidence d’Amadou Toumani Touré, qui l’avait même nommé conseiller consulaire à Djeddah, en Arabie saoudite, de 2007 à 2010.
Influent et craint, il a aussi été longtemps un intermédiaire de choix dans les affaires de libération d’otages occidentaux. Ses nombreuses connexions ne se limitent pas au Mali : Ag Ghaly a noué des liens en Libye, au Niger ou encore au Burkina Faso – sa proximité présumée avec l’entourage de Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne en 2012-2013, alimente d’ailleurs aujourd’hui les interrogations des autorités burkinabè sur les récentes attaques à Ouagadougou.

Le patron du jihad sahélien

Habile et fin stratège, Iyad Ag Ghaly est parvenu à s’imposer progressivement comme le patron du jihad sahélien. Fin 2014, il se rapproche d’Amadou Koufa, un prédicateur radical peul rencontré dans les années 2000 sur les tapis d’une mosquée de la capitale. Ce dernier lance la katiba Macina, filiale d’Ansar Eddine dans le centre du pays essentiellement composée de combattants peuls.
En mars 2017, Ag Ghaly annonce la fusion des principaux mouvements jihadistes au Mali, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Al-Mourabitoune, sous son commandement. Avec ses katibas implantées dans différentes régions du pays, le GSIM compterait aujourd’hui entre 500 et 1 000 combattants, selon les différentes estimations. « Il a réussi là où les chefs algériens d’Aqmi, comme Abou Zeïd, ont échoué : fédérer derrière lui des membres de différentes communautés du nord et du centre du Mali, comme des Peuls, des Songhaïs ou des Bambaras », explique une source sécuritaire malienne.
« C’est un opportuniste. Il a compris qu’il pouvait s’imposer comme le boss de la nébuleuse jihadiste régionale »
De fait, depuis la fin de 2015, les attentats de Bamako, Ouagadougou ou Grand-Bassam ont tous été menés par de jeunes Subsahariens. Ce fut encore le cas à Ouaga, le 2 mars, où le chef du commando était un certain Younous Al Fulani (« le Peul »).
Iyad Ag Ghaly a aussi profité de la perte d’influence d’Abdelmalek Droukdel, chef historique d’Aqmi, et de la disparition des écrans radars de Mokhtar Belmokhtar, le « Ben Laden du Sahara ». « C’est un opportuniste. Il a compris qu’il pouvait s’imposer comme le boss de la nébuleuse jihadiste régionale. Il est malheureusement en train d’y parvenir avec le GSIM, qui a montré ses capacités de nuisance bien au-delà des frontières maliennes », analyse une source onusienne.


Sa volonté d’expansion ne semble pas s’arrêter là. Ces derniers mois, il s’est rapproché d’Abou Walid al-Sahraoui, leader de l’État islamique dans le Grand Sahara, actif dans la zone dite des « trois frontières » (Mali-Burkina-Niger), ainsi que d’Ansarul Islam, groupe jihadiste burkinabè qui sévit dans le nord du pays.
Reste une question centrale : pourquoi Ag Ghaly agit-il ainsi ? Pour imposer la charia au Mali ? Sanctuariser le Nord ? Laisser sa marque en tant que « grand » du jihad ? Sans doute un peu de tout cela. L’intéressé ne s’est plus exprimé depuis la diffusion de la vidéo annonçant la création du GSIM, le 1er mars 2017. Soit un peu plus d’un an au cours duquel il a confirmé jour après jour son statut d’ennemi public numéro un au Sahel.

Pour le meilleur et pour le pire

Anna Walet Bicha, l’épouse d’Iyad Ag Ghaly, est la fille d’un colon français et d’une Touarègue de la tribu des Ifoghas. En 1991, elle épouse El Hadj Ag Gamou, ancien rebelle devenu général de l’armée malienne. Cinq ans plus tard, elle divorce pour se remarier avec Iyad Ag Ghaly. Beaucoup estiment que cette histoire de cœur a largement attisé la haine que se vouent les deux hommes depuis plus d’un quart de siècle. Ancienne partisane de la rébellion touarègue, elle s’est radicalisée au fil de ses années de mariage avec Ag Ghaly.

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Asir

Page d'aide sur l'homonymie Pour la province actuelle, voir Asir (province).
L'Asir est une région historique d'Arabie. Elle s'étend sur les provinces saoudiennes actuelles d'Asir, de Bahah et le sud de la province de La Mecque, ainsi que sur la région de Hudaydah au Yémen.

Sommaire


Géographie

La région de l'Asir est composée d'une plaine côtière et d'un ensemble montagneux, les monts de l'Asir, qui est une partie des monts Sarawat ou Sarat, importante chaîne de montagnes reliant le sud de la Jordanie au golfe d'Aden. L'Asir comporte quelques hauteurs dépassant 3000 mètres d'altitude, dont le Jebel Sawda (3133 mètres), point culminant de l'Arabie saoudite. Toutefois, cette altitude est remise en question par les mesures du SRTM qui donne une élévation de 3015 mètres.
La région se singularise par son climat plus frais et plus humide que le reste du pays.
L'Asir est aussi le nom d'une province (mintaqat) de l'Arabie saoudite peuplée d'environ 1 833 658 habitants en 20091 et dont les villes principales sont Khamis Mushayt et Abha, la capitale.

Histoire

Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, les régions de l'Asir et d'Abou Arish tombent sous le pouvoir de la dynastie khayratide qui descend des Katada de La Mecque.
En 1802, la région passe sous influence wahhabite et Muhammad ben Amir Abu Nukta al-Rufaydi se proclame émir de l'Asir al-Sarat, affrontant les tribus du Bas Asir, où les Khayratides conservent le pouvoir. Après 1818, à la suite de la chute des wahhabites, la dynastie des al-Rufaydi combat les Égyptiens.
En 1823, le pouvoir passe aux Banu Mughayd, dont le chef Saïd ben Muslat gouverne en tant que chef tribal vassal des Ottomans. Il soutient toutefois, en 1833, la rébellion de Türkçe Bilmez et des Albanais d'Arabie contre les Égyptiens, puis les combat.
Son successeur Aid ben Mari al Mughayd (al Aïd signifiant "le Juif") gouverne en tant qu'émir l'Asir, le Tihama et le Mikhlaf, et son fils Muhammad occupe Abou Arish en 1863. Cet accroissement de pouvoir entraîne une intervention ottomane et les domaines des Banu Mughayd (Aïdidides) sont annexés et convertis en un gouvernorat (Mutassarrifiyya) dépendant du vilayet du Yémen, avec pour capitale Abha, où est maintenue une garnison turque dès 1872.
La perte de pouvoir des Banu Mughayd ou "Al Aïd" (Aïdidides), qui conserveront de l'influence dans les territoires autour d'Abha, provoque l'ascension d'une nouvelle dynastie dirigée par Sayyid Muhammad ben Ali al Idrisi, descendant d'Ahmad ben Idris, émigré du Maroc qui avait fondé la tariqa Ahmadiyya ou Idrisiyya en 1830 (un de ses disciples fonda celle des Sénoussis, Sanusiyya, dont le futur roi de Libye sera issu). La capitale des Idrissides est établie à Sabya.
En 1838, Ahmad meurt, mais ses successeurs augmenteront leur pouvoir, bien qu'ils soient soumis à des puissances supérieures, les Aïdides de 1830 à 1872, les Ottomans ensuite.
En 1909, son petit-fils Muhammad Ali se rebelle ouvertement contre les Ottomans, il conquiert Abha en 1910 et la perd l'année suivante, assiège la garnison ottomane sans réussir à occuper la ville et proclame l'indépendance de l'Émirat idrisside d'Asir, couvrant le Bas Asir.
Évolution de l'Asir entre 1750 et 1934

Articles connexes

Notes et références


http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/divers/prise_constantine.jpg
Au cours des siècles, les écrivains et les poètes ont été frappés par l'aspect de Constantine.
Laissons-les évoquer pour nous la cité du Fantastique.
J'ai également placé quelques liens vers des textes beaucoup plus longs.

• • •
"Constantine en textes" de Nedjma Benachour (Maître de conférence au département de Français de l'Université Mentouri, Constantine), publié sur le site Interfrancophonies
• • •
" Constantine, la ville où l’homme est plus haut que l’aigle " (Constantin)
" Constantine est l'une des places les plus fortes du monde, elle domine des plaines étendues et des vastes campagnes ensemencées de blé et d'orge " (Edrisi, Description de l'Afrique et de l'Espagne, XIIème siècle).
" Constantine est entourée de rochers abrupts. Le fleuve Sufegemar la contourne, et la rive extérieure est aussi couronnée de rochers, de telle sorte que sa vallée très encaissée forme comme un immense fossé qui défend la ville " (Léon l'Africain, Description de l'Afrique, XVIème siècle).
" Les féeries orientales ne pourraient imaginer une ville de guerre plus escarpée et plus inaccessible que Constantine. " (Docteur Sédillot, Campagne de Constantine en 1837).
"Les deux sièges de Constantine (1836-1837)" par Ernest Mercier - édition de 1896
"Nous jetâmes un cri universel d’admiration, presque de terreur. Au fond d’une gorge sombre, sur la crête d’une montagne baignant dans les derniers reflets rougeâtres d’un soleil couchant, apparaissait cette ville fantastique, quelque chose comme l’île volante de Gulliver.
À quel peuple est-il venu le premier dans l’esprit que l’on pouvait prendre Constantine ?"
(Alexandre Dumas, Le Véloce 1847).
Description de Constantine extraite de " l’Algérie ", par MM. Les capitaines du génie Rozet et Carette - 1850
" Le Rhumel, espèce de rivière torrent, tantôt presque à sec, tantôt gonflé outre mesure, comme presque tous les cours d'eau d'Afrique, alimenté par les pluies d'équinoxe ou la fonte des neiges, s'est chargé de fortifier la ville et il y a réussi mieux que Vauban. Ses infiltrations ont causé dans le rocher une coupure de huit cents pieds de profondeur au fond de laquelle il roule ses eaux troubles et impétueuses, tantôt à ciel ouvert, tantôt sous des arches qu'il a évidées, et dont l'arc immense effraie l'œil par sa hauteur. Après avoir embrassé presque circulairement la ville et son inexpugnable rocher naturel, il change brusquement de niveau et se précipite dans la plaine par une cascade dont les nappes et les rejaillissements semblent avoir été copiés d'après une des plus sauvages fantaisies de Salvatore Rosa, tant le site est âprement pittoresque et férocement inculte.
Un pont qui, par son apparence, rappelle plutôt l'aqueduc de Ségovie et le pont du Gard que ce que l'on entend habituellement par ce mot, plonge jusqu'au fond du gouffre par trois superpositions d'arches extrêmement allongées. Il a nom Alcantara, nom arabe gardé aussi par un des deux ponts de Tolède sur le Tage. Les fondations en sont romaines, peut-être même carthaginoises; un bas-relief représentant un éléphant qui paraît adorer une figure de femme voilée, y est enclavé; le haut, refait plus modernement, a dû l'être, si l'on en croit le goût et la construction, par des ingénieurs espagnols appelés au service du Bey.
Ainsi donc, excepté du côté attaqué par le général Damrémont, la ville est entourée par un abîme à pic; elle couronne une énorme muraille de rochers rougeâtres où le pied de la chèvre la plus hardie ne trouverait pas à mordre; il est aisé d'imaginer quels accidents pittoresques une pareille situation peut produire, soit qu'on regarde Constantine d'en bas, soit que du haut de ses murs on plonge dans le gouffre, où tournent perpétuellement des vautours et des cigognes, ou qu'on domine ce grand horizon de montagnes mordorées et pulvérulentes de lumière qui s'étend à perte de vue." (Théophile Gautier, La Presse, 29 septembre 1851).
" La seule chose importante que j'aie vue jusqu'à présent, c'est Constantine, le pays de Jugurtha. Il y a un ravin démesuré, qui entoure la ville. C'est une chose formidable et qui donne le vertige. Je me suis promené en dessus, à pied, et dedans, à cheval. Des gypaètes tournoyaient dans le ciel " (Gustave Flaubert, Correspondance, 25 avril 1858).
Un cours d'histoire sur l'antique Cirtha (Constantine-Qacentina) de Jean-Marie Déguignet - 1863
Un autre aspect de la vie à Constantine "La cité aérienne" de Paul Lelu -1866
Un long texte de Charles Fréraud, illustré de nombreuses gravures. "Visite au Palais de Constantine" - 1877
" Constantine, assis sur un magnifique rocher que le Rhumel et de profonds ravins entourent d'une ceinture presque ininterrompue, se présente d'une manière aussi pittoresque qu'originale; pourtant, vue à certaine distance, la ville fait plutôt l'effet d'une citadelle européenne avec ses maisons à toits en tuiles, que d'une ville orientale; l'élément oriental ne se dégage que lorsqu'on a mis le pied dans son enceinte intérieure. " (Tchihatchef, Espagne, Algérie et Tunisie, 1880).
" En arrivant sur la place j'y trouve un spectacle admirable. Le brouillard s'est levé, il se lève encore le merveilleux panorama de la vallée du Rummel apparaît baigné de soleil, des flocons blanchâtres traînent bien encore à mi-hauteur des montagnes; ce sont comme de longues bandes de brume horizontalement tendues dans l'espace et des coins entiers de paysage luisent dans l'écartement des vapeurs à des hauteurs invraisemblables, comme détachés en plein ciel. Au milieu de cette mer de brouillard, Constantine et son chemin de ville, taillé à même le roc, se dressent et se découpent, tel un énorme nid d'aigle... Le Rummel ! Il faut être descendu dans le lit du torrent pour pouvoir se faire une idée de cette horreur farouche et grandiose, de ces eaux jaunes et comme sulfureuses roulant un continuel tonnerre dans l'étranglement de ce couloir de roches. Hautes et verticales comme des murailles, on pourrait se croire dans le fossé de quelque forteresse de rêve, de celles que la fougue d'imagination d'Hugo a évoquées dans d'épiques dessins. " (Jean Lorrain, Heures d'Afrique 1889).
" Et voici Constantine, la cité phénomène, Constantine l'étrange, gardée, comme par un serpent qui se roulerait à ses pieds, par le Roumel, le fantastique Roumel, fleuve de poème qu'on croirait rêvé par Dante, fleuve d'enfer coulant au fond d'un abîme rouge comme si les flammes éternelles l'avaient brûlé. Il fait une île de sa ville, ce fleuve jaloux et surprenant ; il l'entoure d'un gouffre terrible et tortueux, aux rocs éclatants et bizarres, aux murailles droites et dentelées.
La cité, disent les Arabes, a l'air d'un burnous étendu. Ils l'appellent Belad-el-Haoua, la cité de l'air, la cité du ravin, la cité des passions. Elle domine des vallées admirables pleines de ruines romaines, d'aqueducs aux arcades géantes, pleines aussi d'une merveilleuse végétation. Elle est dominée par les hauteurs de Mansoura et de Sidi-Meçid.
Elle apparaît debout sur son roc, gardée par son fleuve, comme une reine. Un vieux dicton la glorifie : "Bénissez, dit-il à ses habitants, la mémoire de vos aïeux qui ont construit votre ville sur un roc. Les corbeaux fientent ordinairement sur les gens, tandis que vous fientez sur les corbeaux."
Les rues populeuses sont plus agitées que celles d'Alger, grouillantes de vie, traversées sans cesse par les êtres les plus divers, par des Arabes, des Kabyles, des Biskris, des Mzabis, des nègres, des Mauresques voilées, des spahis rouges, des turcos bleus, des kadis graves, des officiers reluisants. Et les marchands poussent devant eux des ânes, ces petits bourricots d'Afrique hauts comme des chiens, des chevaux, des chameaux lents et majestueux.
Salut aux juives. Elles sont ici d'une beauté superbe, sévère et charmante. Elles passent drapées plutôt qu'habillées, drapées en des étoffes éclatantes, avec une incomparable science des effets, des nuances, de ce qu'il faut pour les rendre belles. Elles vont, les bras nus depuis l'épaule, des bras de statues qu'elles exposent hardiment au soleil ainsi que leur calme visage aux lignes pures et droites. Et le soleil semble impuissant à mordre cette chair polie.
Mais la gaieté de Constantine, c'est le peuple mignon des petites filles, des toutes petites. Attifées comme pour une fête costumée, vêtues de robes traînantes de soie bleue ou rouge, portant sur la tête de longs voiles d'or ou d'argent, les sourcils peints, allongés comme un arc au-dessus des deux yeux, les ongles teints, les joues et le front parfois tatoués d'une étoile, le regard hardi et déjà provocant, attentives aux admirations, elles trottinent, donnant la main à quelque grand Arabe, leur serviteur.
On dirait quelque nation de conte de fée, une nation de petites femmes galantes ; car elles ont l'air femme, ces fillettes, femmes par leur toilette, par leur coquetterie éveillée déjà, par les apprêts de leur visage. Elles appellent de l'œil, comme les grandes ; elles sont charmantes, inquiétantes, et irritantes comme des monstres adorables. On dirait un pensionnat de courtisanes de dix ans de la graine d'amour qui vient d'éclore.
Mais nous voici devant le palais d'Hadj-Ahmed, un des plus complets échantillons de l'architecture arabe, dit-on. Tous les voyageurs l'ont célébré, l'ont comparé aux habitations des Mille et Une Nuits.
Il n'aurait rien de remarquable si les jardins intérieurs ne lui donnaient un caractère oriental fort joli. Il faudrait un volume pour raconter les férocités, les dilapidations, toutes les infamies de celui qui l'a construit avec les matériaux précieux enlevés, arrachés aux riches demeures de la ville et des environs.
Le quartier arabe de Constantine tient une moitié de la cité. Les rues en pente, plus emmêlées, plus étroites encore que celles d'Alger, vont jusqu'au bord du gouffre, où coule l'Oued-Roumel.
Huit ponts jadis traversaient ce précipice. Six de ces ponts sont en ruine aujourd'hui. Un seul, d'origine romaine, nous donne encore une idée de ce qu'il fut. Le Roumel, de place en place, disparaît sous des arches colossales qu'il a creusées lui-même. Sur l'une d'elles, fut bâti le pont. La voûte naturelle où passe le fleuve est élevée de quarante et un mètres, son épaisseur est de dix-huit mètres ; les fondations de la construction romaine sont donc à cinquante-neuf mètres au-dessus de l'eau ; et le pont avait lui-même deux étages, deux rangées d'arches superposées sur l'arche géante de la nature. Aujourd'hui, un pont en fer, d'une seule arche, donne entrée dans Constantine." (Guy de Maupassant, Au Soleil, 1890).
" Nous nous levons un peu tard aujourd'hui et lorsque nous sortons il fait une chaleur excessive, 34° à l'ombre. Comme nous en sommes surpris, nous apprenons que le sirocco souffle, alors pour nous, tout s'explique et nous continuons notre promenade en recherchant l'ombre.
Constantine est une ville fort curieuse et excessivement pittoresque, aucune autre ville au monde n'est peut-être située dans une position semblable: c'est une véritable forteresse naturelle, bâtie sur une presqu'île formée par le Roumel et dominée par les hauteurs de Mansoura et de Sidi-Mécid. Elle est séparée de ces hauteurs par une grande et profonde anfractuosité, un abîme où coule le Roumel. Le plateau sur lequel Constantine est assise, a la forme d'un trapèze dont les angles font face aux quatre points cardinaux.
Le sol, composé de blocs calcaires dont la masse s'est détachée de la roche voisine, forme par sa cassure un précipice de 300 mètres. Des commotions volcaniques ont produit ce déchirement à travers lequel, de cascade en cascade, le torrent s'est frayé un passage. Cette position accessible par un seul côté qui relie le rocher à la terre, a donné l'idée de construire au sommet une ville dont les minarets se détachent dans l'azur du ciel.
La rivière qui contourne la ville est d'un pittoresque achevé, elle s'en approche par l'angle sud, passe sous le pont du Diable, près de sources chaudes, s'engouffre ensuite dans un grand ravin le long des côtes sud-est et nord-est, dont elle défend l'approche. Puis arrivée à la Kasba, elle forme une suite de cascades et s'éloigne de la ville en continuant son cours vers le nord. Cette rivière a encore cela de singulier c'est que, à la pointe d'El-Kantara, ses eaux s'engouffrent pendant quelques instants sous une haute voûte, réapparaissent et disparaissent de nouveau. Ces pertes successives forment trois ponts de 50 à 100 mètres de largeur. " (Journal de voyage de Mrs Christian et Bure, juin 1892)
La légende de Sidi M'Hammed el Ghrab rapportée par Achille Robert en 1900
" Sous le ciel d'émail bleu, Constantine, après une nuit fraîche, au seuil d'une journée brûlante, flambait. Les rues quiètes, à peine troublées par les cris des vendeurs, s'ensevelissaient dans la lumière qui confond aux nappes de chrome et de soufre, le sol et les maisons. Leur façade aveuglée défend l'espace, qui toujours se rallume, les vies muettes dont le souffle ne se mêle plus au silence. La falaise de Sidi M'Cid incrustait dans l'azur son front gris crêté de pins. Le Djebel Ouach, avec sa balafre verte, dévalait jusqu'aux stèles en troupeau pétrifié du cimetière juif. Ouverts comme de larges plaies, les contreforts calcaires du plateau séchaient au soleil leurs coulées de sang. A L'Est, la forêt de pins enflait sa houle. Et sur le rocher triangulaire, la ville arabe menait un pèlerinage de maisons blanches à la Djemaa Kebira, dont le minaret domine, grave et serein comme un prophète. " (Maximilienne Heller, La Détresse des Revanches, 1919).
" Ne parlez pas de ville pittoresque tant que vous n'aurez pas vu Constantine. Accrochée au flanc du ravin du Rhumel entre le gigantesque pont de pierre de Sidi Rached et l'audacieuse passerelle jetée sur l'abîme vertigineux, encadrée de monts verdoyants, Constantine semble avoir été bâtie par un éditeur de cartes postales illustrées. " (Georges de la Fourchardière, Au pays des chameaux, 1925).
" Qu'on s'imagine une forteresse naturelle surgie comme sous la poussée d'un volcan, au milieu d'un cirque de pierre. La place est toute prête pour un camp retranché. Une ville militaire devait naître là. Constantine est le type de la citadelle numide, le modèle agrandi de tous ces bords, qui s'échelonnent sur les crêtes montagneuses du pays. Mais, ce qui excite une réelle stupeur, c'est la forme géométrique de ces entassements rocheux, dont le faite monte si haut que, d'en bas, on distingue à peine les bâtiments et les travaux de défense qui les dominent. Cela tombe d'un jet perpendiculaire, plus aérien et plus vertigineux que la chute du Rhumel, qui, au pied de la Casbah, se précipite en cascade, à la sortie des gorges. " (Louis Bertrand, Africa, 1933)
" Écrasante de près comme de loin – Constantine aux camouflages tenaces, tantôt crevasse de fleuve en pénitence, tantôt gratte-ciel solitaire au casque noir soulevé vers l’abîme : rocher surpris par l’invasion de fer, d'asphalte, de béton, de spectres aux liens tendus jusqu'aux cimes du silence, encerclé entre les quatre ponts et les deux gares, sillonné par l'énorme ascenseur entre le gouffre et la piscine, assailli à la lisière de la forêt, battu en brèche, terrassé jusqu'à l'esplanade où se détache la perspective des Hauts Plateaux, – cité d'attente et de menace, toujours tentée par la décadence, secouée de transes millénaires, – lieu de séisme et de discorde ouvert aux quatre vents par où la terre tremble et se présente le conquérant et s'éternise la résistance […]. " (Kateb Yacine, Nedjma, 1956)
" Cette ville était extraordinaire.
Coupée, traversée comme par une balafre par un ravin profond, sinueux, parfois vertigineux.
Nous ne savions pas que c'était une merveille de la nature, nous vivions notre quotidien dans une merveille de la nature et comme nous n'avions avec nos yeux d'enfant pas de repères cela nous paraissait absolument banal. Les gorges du Rummel ne nous impressionnaient pas, nous y vivions.
Plusieurs ponts réunissaient les deux lèvres de ces gorges permettant de rejoindre les différents quartiers de la ville.
Ces ponts, tous différents les uns des autres m'ont connu enfant, tout petit déjà avec mon père, plus grand ensuite, du temps béni du lycée." (Guy Bensimon, Soleil perdu sous le pont suspendu, 2001).
 


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Rhummel

Rhummel
(Rhumel, Rummel)
Les gorges du Rummel à Constantine, en 1931
Les gorges du Rummel à Constantine, en 1931
Caractéristiques
Longueur très supérieur à 200 km
Bassin ?
Bassin collecteur Rhummel
Débit moyen ?
Cours
Source dans les monts de Ferdjioua
· Localisation Mila
· Altitude 1 090 m
· Coordonnées 36° 12′ 42″ N, 5° 51′ 18″ E
Embouchure Oued-el-Kebir
· Localisation Barrage de Beni Haroun
· Altitude 200 m
· Coordonnées 36° 32′ 16″ N, 6° 15′ 54″ E
Géographie
Pays traversés Drapeau de l'Algérie Algérie
Principales localités Constantine
L'oued-Rhumel, aussi Rhummel ou Rummel (arabe : وادي الرمال) est le plus important cours d'eau de Constantine en Algérie.

Sommaire


Géographie

L'Ampsaga était le nom antique du Rhumel. Il prend sa source dans les monts de Ferdjioua (Mila), puis pénètre sur les plateaux de Constantine, où sa vallée décrit une série de sinuosités. Il se resserre ensuite très sensiblement au nord de Aïn Smara où il forme alors une boucle presque fermée et s'infiltre entre les tables calcaires du Djebel El Hadjar et du plateau de Aïn El Bey en conservant une direction générale sud-ouest/nord-est.
Le Rhummel coule ensuite vers la cité Boussof au voisinage immédiat des ravins. Son lit dessine encore plusieurs courbes, puis devient très étroit au lieu-dit « les arcades romaines ». La vallée du Rhummel mène à l'entrée des gorges du Kheneg, dont l'énorme pilier oriental, appelé "montagne de Tiddis", héberge les ruines d'une importante cité berbère puis romaine, du nom de Tiddis, explorée par l'archéologue André Berthier. Non loin se trouve le village de Messaoud Boudjriou (ex-Aïn-Kerma) et son ancienne mine d'antimoine.
Le bas Rhummel (ou Oued-el-Kebir) franchit les chaînes numidiques dans des gorges profondes puis va se jeter dans la mer à l'est du golfe de Jijel.
Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.

Affluents

Son principal affluent est l'oued-Boumerzoug qui prend sa source dans la région de Aïn M'lila dont les eaux sont largement utilisées pour l'irrigation, et l'important groupement thermal de Ain Fesguia situé vers la tête de la vallée. Il a été capté et alimente en eau potable la ville de Constantine, bâtie au confluent de Boumerzoug et du Rhummel.
Autre affluent, l'Oued Dekri, au niveau de la ville de Chelghoum Laïd, à 50 km au sud-ouest de Constantine, secteur où Héraud et Marill, ainsi que Joly de Brésillon, négociant, conseiller général et fondateur du journal Le Progrès de l'Est1, reçurent chacun une concession d'une superficie de 2 000 hectares, par un décret du 16 décembre 18542 lors des tentatives de développement cotonnier.

Voir aussi

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Notes et références