Arrêté français du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d'États et de capitales
Présentation
L'arrêté du 4 novembre 1993 ou « arrêté Juppé » a été pris conjointement par le
ministre des Affaires étrangères Alain Juppé et le ministre de l'
Éducation nationale François Bayrou le
4 novembre 1993. L'arrêté a été pris sous le
gouvernement Édouard Balladur (1993-1995) qui a cherché à réglementer en matière de langue : on se souvient que
Jacques Toubon avait été surnommé « M. Allgood » du fait de sa
loi Toubon. Il concerne l'
exonymie des
toponymes les plus utilisés dans les
relations internationales et diplomatiques.
L'arrêté du 4 novembre 1993 est pris sur avis de la
commission de terminologie du
ministère des Affaires étrangères. Les « recommandations » qu'il contient s'imposent aux fonctionnaires, notamment à ceux du
ministère des Affaires étrangères, et répondent aux besoins rencontrés dans les
relations internationales (le « nom entier développé » par exemple est toujours mentionné : par exemple,
Fédération de Russie).
L'arrêté a bénéficié d'un avis favorable de la
Délégation générale à la langue française (DGLF) et du
Conseil international de la langue française (CISL).
Les entités non reconnues par la France ne figurent pas dans sa
Liste annexée :
Certaines modifications dans les noms de pays ou de capitales,
survenues après la publication de l'arrêté, ne sont pas prises en compte
dans sa
Liste annexée :
L'arrêté n'a pas toujours été bien reçu
[réf. nécessaire],
certains faisant remarquer que l'on aurait privilégié des appellations
particulièrement en usage parmi les diplomates. Les formes suivantes ne
se sont guère imposées dans l'usage courant depuis
1993 :
D'un autre côté, les points suivants ont sans doute été mieux compris, en conservant la francisation historique des toponymes :
- Pékin est la seule forme indiquée alors que les textes en français provenant de Chine utilisent souvent la forme Beijing,
- Algérie est la seule forme indiquée : pas de forme du type Al-Djazaïr indiquée même en variante.
Portée
Article
1er :
« La forme et l'orthographe des noms d'Etats2 et de capitales inscrits sur la liste annexée au présent arrêté sont recommandées. »
Principes
L'article
2 définit dix principes retenus par la commission de terminologie du
ministère des Affaires étrangères pour le choix des formes recommandées.
Exonyme
« 1. La forme recommandée pour la désignation des pays et des capitales est la forme française (exonyme) existant du fait de traditions culturelles ou historiques francophones établies. »
Forme locale
« 2. En l'absence d'exonyme français attesté, on emploiera la forme locale actuellement en usage.
Pour les pays qui n'utilisent pas l'alphabet latin, la graphie recommandée est celle qui résulte d'une translittération ou d'une transcription en caractères latins, conforme à la phonétique française. »
Diacritiques
« 3. Les noms de pays et de villes étant des noms propres, il est recommandé de respecter la graphie locale en usage, translittérée ou non. On ne portera cependant pas les signes diacritiques particuliers s'ils n'existent pas dans l'écriture du français. »
Il y a 5
diacritiques utilisés en français: l'
accent aigu (é) l'
accent grave (à, è, ù), l'
accent circonflexe (â, ê, î, ô, û), le
tréma (ë, ï, ü, voire ÿ - mais aussi ä et ö pour de rares mots étrangers devenus français) et la
cédille (
ç) avec des restrictions d'emploi (les combinaisons possibles sont indiquées entre parenthèses).
D'où les exemples tirés de la
Liste annexée :
Asuncion (capitale du
Paraguay) indiqué en variante d'
Assomption (mais la forme espagnole
Asunción serait contraire à la règle puisque si l'accent aigu existe en français mais pas sur le
o) ;
Aboû Dabî (capitale des
Émirats arabes unis) admis (en variante d’
Abou Dabi) ;
Baghdâd (capitale de l'«
Iraq ») admis (en variante de
Bagdad) ;
Brasilia (capitale du
Brésil) seule indiquée (et non
Brasília contraire à la règle puisque l'accent aigu existe en français mais pas sur le
i) ;
Chisinau (capitale de la
Moldavie) indiqué avec la mention « ex-
Kichinev » (
Chişinău serait contraire à la règle) ;
Panama (et non Panamá contraire à la règle puisque l'accent aigu existe en français mais pas sur le
a) ;
(Ar) Riyâd (capitale de l'
Arabie saoudite) admis en variante de
Riyad ;
Santa Fe de Bogota (capitale de la
Colombie) et sa variante
Bogota (et non
Santa Fe de Bogotá et
Bogotá) ;
Sao Tomé-et-Principe (avec
Saint-Thomas-et-l'Ile du Prince en variante) et non
São Tomé-et-Príncipe (pas de
tilde ni d'accent aigu sur le
i en français) ;
Tokyo (capitale du
Japon) indiqué sans variante (
Tōkyō serait contraire à la règle indiquée ;
Tôkyô serait conforme à la règle mais n'est pas mentionné non plus) ; et
Viêt Nam indiqué avec la seule variante
Vietnam (
Việt Nam serait contraire à la règle).
Par ailleurs, les
majuscules initiales ne sont pas accentuées. Cette pratique,
contraire aux règles typographiques habituelles, résulte des principes de composition du
Journal officiel en 1993 et ne doit donc pas être considérée comme une règle imposée par l'arrêté lui-même. On trouve ainsi
Égypte (graphie soignée :
Égypte),
Émirats arabes unis (graphie soignée :
Émirats arabes unis),
Équateur (graphie soignée :
Équateur), Equato-Guinéen (habitant de la
Guinée équatoriale, graphie soignée : Équato-Guinéen),
Érythrée (graphie soignée :
Érythrée),
États-Unis (graphie soignée :
États-Unis), E
thiopie (graphie soignée :
Éthiopie) et
Saint-Thomas-et-l'Ile du Prince (graphie soignée :
Saint-Thomas-et-l'Île du Prince).
« Quand la graphie locale d'un nom de pays ou de capitale, utilisée
en français, ne comporte pas d'accent sur des « e » prononcés « é » ou
« è », cette graphie sera conservée en français sans accent ; en
revanche, les adjectifs et noms dérivés seront normalement accentués en
« é » ou « è » (ex.: « Venezuela », mais « Vénézuélien »). »
Autres exemples tirés de la Liste annexée :
Belize, mais
Béliziens ;
Brunei, mais
Brunéiens ;
Erevan (capitale de l'
Arménie), mais
Erévanais (la graphie soignée serait :
Érévanais) ; le
Guatemala, mais
Guatémaltèque ;
Guatemala (capitale du
Guatemala), mais
Guatémalien ;
Kenya, mais
Kényan ;
Liberia, mais
Libérien ;
Maseru (capitale du
Lesotho), mais
Masérois ;
Montevideo (capitale de l'
Uruguay), mais
Montévidéen ;
Nigeria, mais
Nigérian ;
Sarajevo (capitale de la
Bosnie-Herzégovine) mais
Sarajévien ; et
Sierra Leone, mais
Sierra-Léonais.
La règle ne s'applique pas dans
Buenos Aires (capitale de l'
Argentine) et
Buenos-Airien parce que l'habitude est bien établie en français de prononcer « Beunozair » et « Beunozairien »
[réf. nécessaire] ; ni dans
Tel Aviv et
Telavivien[réf. nécessaire] parce que, malgré la soudure graphique, la coupure syllabique est « Tel a vi vien » dans la prononciation.
Lesotho et
Lesothan (au lieu du
Lésothan attendu) est sans explication.
De façon analogue, on peut trouver l'adjonction d'un
tréma sur le
i :
Praia (capitale du
Cap-Vert) mais
Praïen.
Trait d'union
« 4. L'emploi des traits d'union dans les noms composés de pays et de capitales obéit aux principes suivants :
— lorsqu'on utilise en français le nom local, la graphie locale est conservée, en général sans trait d'union ; »
Par exemple :
Burkina Faso,
Costa Rica,
Kuala Lumpur (capitale de la
Malaisie) et
Sierra Leone.
Port d'Espagne (variante
Port of Spain, capitale de
Trinité-et-Tobago) est aussi dépourvu de trait d'union.
À noter cependant :
Addis-Abeba,
Dar-es-Salam (capitale économique de la Tanzanie),
Oulan-Bator (capitale de la
Mongolie),
Phnom-Penh,
Porto-Novo (capitale administrative du
Bénin), et
Tel-Aviv.
« — lorsqu'il existe un exonyme français :
— on portera un trait d'union entre les composants juxtaposés, après
un adjectif, après le mot « Saint » et avant et après la conjonction
« et » indiquant que plusieurs entités constituent un seul Etat ; »
Exemples tirés de la
liste annexée :
Antigua-et-Barbuda,
Saint-Christophe-et-Niévès (
Saint-Kitts-et-Nevis en variante),
Saint-Vincent-et-les-Grenadines et
Trinité-et-Tobago.
« — on ne portera pas de trait d'union après un article ni devant un
adjectif. En vertu de l'usage, le trait d'union sera maintenu pour les
quatre pays suivants : Cap-Vert, Etats-Unis2, Pays-Bas et Royaume-Uni. »
On constate dans la
liste annexée :
- la disparition des traits d'union entourant l' -et- dans les gentilés : « Antigua-et-Barbuda, mais Antiguais et Barbudiens ;
- l'apparition d'un trait d'union dans le gentilé : « Buenos Aires, mais Buenos-Airien », « Sierra Leone, mais Sierra-Léonais », « Sri Lanka, mais Sri-Lankais » ;
- la disparition par soudure de traits d'union dans les gentilés : « Phnom-Penh, mais Phnompenhois », « Tel-Aviv, mais Telavivien ». Parfois c'est une espace qui disparaît par soudure dans le gentilé : « Costa Rica, mais Costaricain.
Îles
« 5. Lorsqu'un État est constitué par une île ou un archipel
et que l'usage n'en a pas fixé le genre, de manière apparente ou non,
il est recommandé d'utiliser le féminin, singulier ou pluriel selon le
cas (exemple : Madagascar, Maurice, les Fidji). »
Mais les
Kiribati, archipel, féminin pluriel, et dont la forme originelle vient de l'anglais, au pluriel, (les îles) Gilberts (
Islands), est proposé comme étant féminin singulier et sans article.
Capitale
« 6. Lorsqu'il existe plusieurs villes ayant rang de capitale, celle qui est indiquée en priorité est le siège actuel du gouvernement et/ou des représentations étrangères. »
Ce point 6 intéresse avant tout les diplomates : on note
Bonn et
Berlin pour l'
Allemagne et
Tel-Aviv uniquement pour
Israël.
Pour les
Kiribati, ce n'est pas la capitale qui est indiquée, en ce cas
Tarawa-Sud, mais l'atoll sur laquelle elle se situe.
Gentilé
« 7. La forme recommandée pour la désignation des habitants
et les adjectifs dérivés des noms de pays, appelés à être adoptés pour
leur usage dans la langue française, se conforme le plus possible aux
règles de morphologie, d'orthographe et de prononciation du français, permettant de marquer les variations en genre et en nombre.
Il convient de noter qu'il n'a pas toujours été possible de faire
figurer de nom recommandé pour les habitants de certaines capitales, en
raison de l'absence d'usage français ou francophone en la matière.
8. L'adjectif de nationalité est identique au nom des habitants. La Suisse fait exception à cette règle (nom féminin : « Suissesse », adjectif féminin : « suisse »).
9. L'adjectif de nationalité s'écrit sans majuscule. »
Variantes
« 10. Des variantes sont mentionnées [dans la Liste annexée]
dans les principaux cas de divergences avec les formes recommandées par
d'autres institutions publiant des listes analogues (particulièrement O.N.U., A.F.N.O.R., I.N.S.E.E., I.G.N.). »
Aucun organisme de l'
Union européenne n'est cité.
Majuscule et diplomatie
Le problème concerne les mots tels que
république,
royaume,
principauté,
grand-duché,
union...
L'arrêté Juppé suit implicitement la règle imposant une capitale
initiale si ces mots sont complétés par un simple adjectif de
nationalité :
L'arrêté Juppé est implicitement en désaccord avec l'
Imprimerie nationale qui dans son
Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale (qui a un caractère officiel sans avoir de portée réglementaire) indique (
s. v. Pays ou États (noms de)) que ces mots s'écrivent entièrement en lettres minuscules s'ils sont précisés par un
nom propre :
L'arrêté Juppé et le
Lexique s'accordent sur :
mais le
Lexique y voit une « transcription littérale de la dénomination allemande » consacrée par l'usage. C'est par ce même usage que le
Lexique justifie la capitale sur des adjectifs dans
les États-Unis (É.-U.) et
le Royaume-Uni alors qu'on peut aussi y voir un effet induit par le
trait d'union.
Dans son
Manuel S. Aslanoff remarque (
§ 533.1) à propos des règles traditionnelles exposées dans le
Lexique :
« De telles graphies pourraient heurter la fierté nationale des
intéressés et la courtoisie commande parfois de faire une entorse aux
règles typographiques en ajoutant une majuscule au début de la
dénomination. » L'arrêté Juppé ne fait donc qu'officialiser cette
courtoisie toute diplomatique. Il était difficile de refuser la
majuscule initiale à la
République fédérale d'Allemagne (invoquer un
germanisme n'est guère convaincant) puisque les règles traditionnelles l'accordaient à la
République démocratique allemande. L'arrêté Juppé n'étend pas cette courtoisie au-delà de l'initiale : on trouve
République algérienne démocratique et populaire sans majuscule à
Algérienne par exemple.
Liste annexée
La liste annexée comprend des
astérisques, simples ou doubles, qui renvoient vers la colonne « VARIANTES ».
Liste annexée ABCDE
Divisions de la Liste annexée : Début ABCDE FGHIJ KLMNO PQRST UVWXYZ Fin.
Liste annexée FGHIJ
Divisions de la Liste annexée : Début ABCDE FGHIJ KLMNO PQRST UVWXYZ Fin.
Liste annexée KLMNO
Divisions de la Liste annexée : Début ABCDE FGHIJ KLMNO PQRST UVWXYZ Fin.
Liste annexée PQRST
Divisions de la Liste annexée : Début ABCDE FGHIJ KLMNO PQRST UVWXYZ Fin.
Liste annexée UVWXYZ
Divisions de la Liste annexée : Début ABCDE FGHIJ KLMNO PQRST UVWXYZ Fin.
Liste annexée Fin
Divisions de la Liste annexée : Début ABCDE FGHIJ KLMNO PQRST UVWXYZ Fin.
Notes et références
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Bibliographie
- L'arrêté du 4 novembre 1993 (NOR: MAEC9310010A) est paru au Journal officiel du 25 janvier 1994, page 1288.
- L'arrêté du 4 novembre 1993 (Journal officiel du 25 janvier 1994) est reproduit (pages 299 à 313) dans le livre intitulé Dictionnaire des termes officiels de la langue française édité (édition de janvier 1994) par le Journal officiel ( (ISBN 2-1107-3499-X) - (ISSN 0767-4538)). Cette publication contient la liste annexée à l'arrêté.
- Loïc Depecker, L’Invention de la langue : le choix des mots, Larousse et Armand Colin, 2001, 719 pages, (ISBN 2-200-26144-6),
thèse soutenue le 27 mai 1994 ; voir « I.2.18.2 La commission
ministérielle de terminologie des affaires étrangères (1984-1993) »,
pages 328-338.
- Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, 196 pages, 3e édition, 1990, édité par l'Imprimerie nationale (ISBN 2-1108-1075-0).
- Serge Aslanoff, Manuel typographique du russiste, 255 pages, 1986, Paris, Institut d’études slaves (ISBN 2-7204-0225-7).
- L’Intermédiaire des chercheurs et curieux (ICC), rubrique « Noms de pays », question 1993/621 (année 1993, colonne 621), réponses 1993/1253, 1994/425,674, 1995/634