Mort de l'historien Bernard Lewis, spécialiste de l'islam
Ses livres ont influencé des générations de spécialistes de l'islam mais il a aussi été au cœur de vives polémiques.
AFP
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L'historien Bernard Lewis est mort
DÉCÈS - L'historien américain Bernard Lewis,
dont les livres ont influencé des générations de spécialistes de
l'islam mais qui fut aussi au coeur de vives polémiques, est décédé
samedi à l'âge de 101 ans, selon le Washington Post.
Né à Londres, Bernard Lewis, qui a longtemps enseigné à l'université
de Princeton, dans le New Jersey, était résolument pro-Israël et proche
des néo-conservateurs américains.
"Pour certains, je suis un génie immense. Pour d'autres, je suis le
diable incarné", déclarait-il dans un entretien accordé en 2012 au
Chronicle of Higher Education.
Il avait en particulier contesté la réalité du génocide des Arméniens
par les Turcs en 1915, apportant sa caution intellectuelle à la Turquie
en affirmant que la thèse du génocide était "la version arménienne" de
l'histoire.
Parmi ses très nombreux ouvrages, figurent notamment "Les Arabes dans
l'histoire", "L'Islam en crise", "Islam et laïcité" ou encore "Le
langage politique de l'Islam".
Asma Lamrabet, féministe en islam
En
raison de ses positions sur l’égalité entre hommes et femmes dans
l’héritage, la théologienne marocaine a dû démissionner du centre
d’études féminines qu’elle dirigeait depuis 2011.
Asma Lamrabet l’avoue : elle a été un peu dépassée. Face aux
innombrables sollicitations médiatiques, aux débats houleux dans la
presse et aux accusations fielleuses de certains, cette femme discrète
et élégante a préféré s’adresser à son public par un communiqué. Dans un
texte en dix points, la médecin et théologienne marocaine,
internationalement reconnue pour son travail de réinterprétation du
Coran, confirmait avoir été contrainte à la démission en raison de ses
propos sur l’égalité entre femmes et hommes dans l’héritage, rappelait
son attachement aux valeurs du royaume et de l’islam, et assurait
qu’elle poursuivrait son œuvre.
Pressions
C’était le 26 mars, et la tempête était arrivée sans crier gare.
Quelques mois avant ce communiqué, la directrice du Centre des études
féminines en islam au sein de la Rabita mohammadia des oulémas,
association créée en 2006 par le roi afin de diffuser les valeurs et les
préceptes de l’islam « dans le respect des principes du juste milieu et de la modération »,
participe à un débat sur l’héritage, à l’occasion de la sortie d’un
ouvrage collectif sur le sujet. Comme toujours, elle défend le principe
de l’égalité. Les propos de la théologienne provoquent un tollé dans
l’aile radicale de la Rabita. Les pressions sont assez fortes pour la
contraindre à la démission, qu’elle annonce le 19 mars.
« Ce qui m’est arrivé sonne comme une régression. C’est un signal que
l’on donne à la société : le patriarcat religieux a de beaux jours
devant lui »
Deux semaines plus tard, l’incompréhension de la principale concernée reste palpable. « Il
n’y avait rien de nouveau dans mes propos, je le dis depuis des années.
Je n’ai pas compris le pourquoi d’une telle réaction », explique-t-elle, sans cacher une certaine inquiétude : « Ce
qui m’est arrivé sonne comme une régression. C’est un signal que l’on
donne à la société : le patriarcat religieux a de beaux jours devant
lui. »
Cette démission met...
L'Empire moghol — ou mogol — (persan : شاهان مغول, Shāhān-e Moġul ; ourdou : مغلیہ سلطنت, Muġliyah Salṭanat) est fondé en Inde par Babur, le descendant de Tamerlan, en 1526, lorsqu'il défait Ibrahim Lodi, le dernier sultan de Delhi à la bataille de Pânipat.
Le nom « Moghol » est dérivé du nom de la zone d'origine des Timourides, ces steppes d'Asie centrale autrefois conquises par Genghis Khan et connues par la suite sous le nom de « Moghulistan » : « terre des Mongols ». Bien que les premiers Moghols aient parlé la langue tchaghataï, et conservé des coutumes turco-mongoles, ils avaient pour l'essentiel été « persanisés ». Ils introduisirent donc la littérature et la culture persanes en Inde, jetant les bases d'une culture indo-persane.
L'Empire moghol marque l'apogée de l'expansion musulmane en Inde. En grande partie reconquis par Sher Shâh Sûrî, puis à nouveau perdu pendant le règne d'Humâyûn, il se développe considérablement sous Akbar, et son essor se poursuit jusqu'à la fin du règne d'Aurangzeb. Après la disparition de ce dernier, en 1707, l'Empire entame un lent et continu déclin, tout en conservant un certain pouvoir pendant encore 150 ans. En 1739, il est défait par une armée venue de Perse sous la conduite de Nâdir Shâh. En 1756, une armée menée par Ahmad Shâh pille à nouveau Delhi, tandis que l'empire devient un espace d'affrontements entre les Européens (les Britanniques agrandissent leurs possessions et envahissent le Bengale à l'issue de la guerre de Sept Ans). Après la révolte des cipayes (1857-1858), les Britanniques exilent le dernier empereur moghol, resté jusqu'à cette date, le souverain en titre de l'Inde.
Les Moghols employaient le système du mansabdar(en), dans lequel un officier était appointé pour lever le revenu de la terre. L'empereur accordait des revenus au mansabdar
en échange de la disponibilité de soldats en temps de guerre. Le nombre
de soldats promis était fonction de la taille de la terre accordée par
l'empereur. Le mansab était révocable et non héréditaire, ce qui donnait un grand contrôle aux empereurs.
L'Empire moghol était à dominance islamique. Quand Bâbur fonda l'Empire, il insista plus sur son héritage turc que sur sa religion. Sous le règne d'Akbar, la jizya, l'impôt sur les non-musulmans, traditionnel dans le monde à dominance islamique, est abandonné, et le calendrier musulman lunaire laisse place à un calendrier solaire, plus utile pour l'agriculture. Cependant, l'importance de l'islam changera selon les empereurs (Aurangzeb fut ainsi un dirigeant musulman très rigoureux, qui rétablit la jizya). L'aire d'influence du droit hindou déclina, alors que les nouveaux convertis à l'islam vivaient sous le régime du droit musulman.
Les juridictions impériales appliquaient aux sujets hindous le droit
hindou. Dans le même temps, le droit se fractionna selon les territoires1. Selon le système politico-juridique de l'islam, les sujets hindous, sikhs, etc., avaient le droit de maintenir leurs coutumes et d'obéir à leur propre système juridique, tant qu'ils payaient la jizya. En échange, ils étaient exemptés de service militaire ; toutefois, ils ne devaient pas faire de prosélytisme.
L'organisation politique et juridique de l'Empire moghol était loin de se cantonner au respect de la charia : « l'essentiel
de son fonctionnement dans la guerre, la politique, l'administration
agraire, la justice criminelle et même civile, reposait sur des notions
extra-islamiques (iraniennes, mongoles et hindoues) »2. Le rôle des oulémas-soufis (les deux étant alors indissociables2), recrutés parmi les classes supérieures musulmanes (les ashraf, les « nobles » étrangers ou réputés tels2) reste limité : leur fonction étatique se restreint « à l'administration des cultes et de ce domaine limité de la justice qui était régi par la loi islamique »2.
En tant que soufis, ils légitiment les souverains moghols, assurant les
populations hindoues que ceux-ci étaient bénis ; la confrérie soufie Chishtiyya, très indianisée, joue à cet égard un rôle important2. Les gouvernants, eux, étaient plutôt d'origine turco-mongole ou afghane2.
L'empereur Akbar (1542-1605) promeut un syncrétisme religieux, le Dîn-i-Ilâhî, qui le conduit à une grande tolérance religieuse, et à la réforme à la fois du droit musulman et du droit hindou.
De classe noble, les oulémas-soufis ne s'intéressaient guère aux
basses castes. Pour celles-ci, les experts religieux étaient les fakirs, affiliés à des ordres soufis hétérodoxes (be-shar')2. Jusqu'en 1818, les oulémas s'intéressent peu à la conversion des basses castes2.
De plus, l'apostasie, selon le droit hindou, conduisait à la renonciation envers tout droit à l'héritage, ce qui handicapait lourdement les conversions à l'islam3. De façon générale, les empereurs moghols, du moins jusqu'à Jahângîr (1569-1627), montraient une tolérance religieuse importante, ce qui a fait l'objet de critiques de la part des jésuites3.
Empreint de syncrétisme, l'empereur Akbar (1542-1605) va jusqu'à promouvoir la Tauhid-i Ilahi (divin monothéisme), ce qui conduit certains à le tenir pour apostat4. Pour Gaborieau (1989), il accapare plutôt la fonction de soufi, tout comme Jahângîr prendra celle d'ouléma2. Akbar finit par se déclarer « infaillible »4. Par ailleurs, il supprime la jizya4, prohibe les conversions forcées et la circoncision sans consentement avant l'âge de 12 ans4, et décourage les mariages précoces4.
Sous le règne moghol, un certain nombre de musulmans se convertirent à l'hindouisme3, ainsi qu'au sikhisme3. Gurû Arjan et son successeur, Gurû Hargobind (XVIe siècle et XVIIe siècle), parvinrent à convertir bon nombre de musulmans, suscitant la colère de Jahângîr (1569-1627)4. Dans son autobiographie, Jahângîr indique que les lieux de pèlerinage hindous de Mathura et Kangra attiraient un nombre important de musulmans3.
En ce qui concerne l'organisation juridique, les Moghols mirent en place le système des zamindar,
qui fut repris plus tard par les Britanniques. Ils renforcèrent le
droit hindou, y compris contre les violations commises par des Européens3. Toutefois, plusieurs tentatives furent prises pour interdire la satî (immolation par le feu) : le second empereur moghol, Humâyûn (1508-1556), l'interdit avant de se rétracter, suivi par Aurangzeb en 16633.
L'Empire moghol éclata en 1707 et se fragmenta sous les invasions musulmanes (Iraniens et Afghans) et hindoues (Marathes). On assista, pendant le XVIIIe et le XIXe siècle, à une période d'expansion économique et de renouveau du soufisme, ainsi que de la pensée politique et juridique2. L'ijtihâd (interprétation) est rouvert2, avec un intérêt marqué pour Gazâlî (XIe siècle) et Ibn Tamiyya (XIIIe siècle)2, apparenté à l'école juridiquehanbalite. Les échanges avec La Mecque et les écoles du Yémen se multiplièrent (Shâh Walî Allâh(en), réformateur religieux, fut l'un des nombreux pèlerins-étudiants à faire le hajj2).
Conquêtes et déclin
Expansion moghole en Inde.
Les Grands Moghols sont les six premiers empereurs de cette dynastie, Bâbur (1526-1530), Humâyûn (1530-1556), Akbar (1556-1605), Jahângîr (1605-1627), Shâh Jahân (1627-1658) et Aurangzeb (1658-1707).
Les Grands Moghols (1526-1707)
Babur (1526-1530)
En 1526, Bâbur défait les Lodi et tue Ibrahim Lodi lors de la première bataille de Panipat. Cet événement marque la fondation de l’Empire moghol et le début du règne de Bâbur. En 1529, celui-ci vainc le Bengale à Gaghra.
Pendant son règne, il est un excellent administrateur. Il meurt d'une
longue maladie en 1530. Fin lettré, il aimait la musique, composait des
poèmes et dicta ses mémoires, le Bâbur Nâmâ, chronique de sa vie et de ses proches entre 1494 et 1529, probablement le premier texte autobiographique du monde islamique, écrit en turc tchaghataï.
Sa dynastie a régné sur l'Inde jusqu'au XIXe siècle.
Humayum (1530-1540 et 1555-1556)
En 1530, Humâyûn
succède à Bâbur. Il hérite d'un empire que son père n'a pas eu le temps
d'organiser, et se trouve pris en tenailles entre deux généraux en
pleine ascension : Bahadur Shah au Goujerat, et Sher Shâh Sûrî dans le Bihar. En 1531, Diu est bombardée par la flotte portugaise, puis conquise et fortifiée par eux. Il fonde une ville nouvelle à Delhi. En 1534, Sher Shah Suri est victorieux au Bengale. Humâyûn le rattrape, et l'assiège pendant six mois, au fort de Chunar(en), en 1537.
Mais Sher Shah lui ayant échappé, Humâyûn, plutôt que de le poursuivre,
décide de s'emparer du Bengale. Sher Shah lui coupe la route de retour
et le défait, le 26 juin1539, à la bataille de Chausa(en). Humâyûn est obligé de s'enfuir pour Āgrā, accompagné de seuls quelques fidèles. Il perd une nouvelle bataille contre les Afghans, à Kanauj, en 1540 ; et s'enfuit au Pendjab, puis dans le Sind, s'exilant d'abord en Afghanistan, puis, en 1544, en Perse. En 1554, il entre à Peshawar ; en 1555, il occupe Lahore, puis Dîpalpur. La même année, la bataille de Macchiwara,
contre les Afghans, consacre sa victoire. En juillet, Humâyûn entre
finalement dans Delhi : il a retrouvé son trône, après quinze ans
d'exil.
Humâyûn rapporte de son exil en Perse un art d’essence impériale
ainsi que le persan comme langue officielle, qui sera parlé à la cour
jusqu’en 1857. À la même époque, le hindî parlé par le peuple se teinte de connotations perso-arabiques. Il apparaît sous cette forme dans les camps militaires (en turc urdû) des sultanats du Dekkan sous le nom hindustânî ou urdû.
Akbar (1556-1605)
En 1556, Akbar succède à son père. Il est alors âgé de quatorze ans, et son tuteur Bairam Khân va assurer sa régence. Grâce à son aide et à celle de ses troupes, Akbar remporte, la même année, la bataille de Pânipat sur les Afghans du Bihar. En 1560, Akbar s'empare du Mâlvâ. Il épouse la princesse hindoue d'Amber en 1562. Il supprime la jizya — l'impôt religieux sur les non-musulmans — en 1564. L'année suivante, les chefs musulmans du Dekkan — Ahmadnâgar, BîjâpurBîdâr, et Golkonda — défont et détruisent, à la bataille de Talikota, le royaume de Vijayanâgara. Lors de la chute de Chittor, en 1568, 30 000 Râjputs sont massacrés. Akbar agrandit son empire en faisant la conquête du Goujerat en 1573, du Bengale en 1576, du Sind en 1590, de l'Orissa en 1592, et du Balouchistan en 1594. En 1585, au décès de son frère Hakîm, roi de Kaboul, il hérite du Cachemire. Il se lance ensuite à la conquête du Sud de l'Inde.
En 1571, l'empereur fonde Fatehpur-Sikrî et en fait sa capitale. En 1581, Akbar promulgue la Dîn-i-Ilâhî, religion des lumières sous entendant par là une « religion universelle et philosophique du Dieu unique », un syncrétisme unifiant le Coran, la Bible et les textes hindous. 1604 est l'année de la compilation de l'Âdi Granth, livre saint des sikhs, par Gurû Arjun Dev.
Les dernières années du règne d'Akbar sont marquées par les rébellions
fréquentes de son fils Salim, le futur empereur Jahângîr. Il meurt à
Āgrā le de dysenterie. Un superbe mausolée en marbre blanc et grès rouge élevé par son fils à Sikandra(en), au nord-ouest de la ville, recueille sa dépouille. Sa tombe sera profanée par les Jâts, des agriculteurs révoltés, et ses restes dispersés.
Jahangir (1605-1627)
En 1605, Jahangir
succède à son père. Sous son règne, l'Empire reste en état de guerre,
de façon à continuer son expansion. L'ennemi le plus sérieux de Jahângîr
est Amar Singh(en), le râna du Mewâr, qui capitule finalement en 1613 devant les forces de Khurram, le futur Shâh Jahân. Au nord-est, les Moghols affrontent les Âhoms, dont la tactique de guérilla les met en difficulté. En Inde du Nord, sous le commandement de Khurram, ils défont le râja de Kângrâ en 1615.
Dans le Dekkan, ses victoires permettent de consolider l'Empire. L'art,
la littérature, et l'architecture prospèrent durant son règne, il
commence ses mémoires, le Jahângîr Nâma(en) et fait construire des jardins à Srinagar.
En 1658, Aurangzeb, nommé vice-roi du Dekkan dès 1636, emprisonne son père Shah Jahan dans le fort rouge d'Āgrā et prend le pouvoir. Il étend les limites de l'Empire aussi bien à l'est, en soumettant l'Assam et en s'emparant du port de Chittagong, qu'à l'ouest, où il exercera un certain contrôle de l'Afghanistan, et au sud du Dekkan, où les États de Tanjore et de Tiruchirapalli deviendront ses tributaires. Mais son empire ne connaît pas la paix. En 1669, Aurangzeb adopte, en rupture avec ses prédécesseurs, une politique de prohibition de la religion hindoue et de destruction des temples hindous, rétablissant la jizya en 1679. Les révoltes dues à son intransigeance religieuse se succèdent sans fin : Jâts de Mathurâ, Bundelâ, Patiala, sikhs conduits par le gourouGobind Singh, Marathes fédérés par Shivaji… Tous ceux-ci se consacrent à construire l'Empire marathe, s'opposant au pouvoir moghol. En 1707, avec le décès d'Aurangzeb, disparaît le dernier Grand Moghol.
Déclin de l'Empire
Les autres souverains de cette dynastie, appelés simplement « Moghols », sont :
↑ a, b, c, d, e, f et g(en) S. M. Ikram (edited by Ainslie T. Embree), Muslim Civilization in India, New York, Columbia University Press, (lire en ligne [archive]), p. XVII. Economic and Social Developments under the Mughals
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↑(en) P. M. Joshi, A. Rā Kulakarṇī, M. A. Nayeem et Teotonio R. De Souza, Mediaeval Deccan History: Commemoration Volume in Honour of Purshottam Mahadeo Joshi, Popular Prakashan, , 316 p. (ISBN978-8171545797, lire en ligne [archive]).